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LA PLANÈTE MARS.

Je pourrais prendre, dans mon journal, plusieurs autres exemples de cas analogues ; mais les deux que je viens de citer, de Hellas et Libya, suffisent pour donner une idée de ce genre de variations observées. Pour ces deux cas, la série d’événements que je viens de décrire a été observée dans le laps de temps compris entre les six oppositions de 1879 à 1888. Il ne faudrait pourtant pas en conclure que ces variations soient lentes et exigent des périodes d’une durée séculaire. Il est possible et même, dans certains cas, très vraisemblable que les faits cités se renouvellent périodiquement, à chaque révolution de Mars. Mais, à chaque nouvelle opposition, le point où se trouve la planète sur son orbite est situé à 48° de longitude en avant du point où elle se trouvait lors de l’opposition précédente ; par suite, les saisons de Mars avancent de 1/4 de la période entière, entre une opposition et la suivante ; et cette circonstance nous permet de retrouver la série des phénomènes qui ont lieu à la surface de Mars, bien qu’une partie de ceux observés appartienne à une révolution et la partie consécutive à la révolution suivante. Un météorologiste pourrait étudier de la même manière le mouvement du climat d’une région s’il répartissait sur plusieurs années les observations des divers mois et s’il faisait ses observations, par exemple, en janvier 1888, en février 1889, en mars 1890, etc., les dernières en décembre 1899.

B. — Les régions continentales qui blanchissent suivant l’obliquité.

Nous avons vu que souvent les régions d’un caractère douteux sont plus claires dans les positions obliques au voisinage des bords de la planète qu’au méridien central ; cette observation s’étend aussi à quelques régions d’un caractère purement continental. Il faut citer particulièrement, à cet égard, les deux régions polygonales ou presque rondes qui sont désignées sur la carte par les noms de Elysium et de Tempé. Ces régions sont d’un blanc d’éclat variable, mais, en tout cas, moins brillant que celui des pôles. Ce blanc s’aperçoit plus habituellement lorsque ces régions se trouvent au voisinage du bord du disque de Mars, et je l’ai souvent observé même quand, quelques heures avant ou après, ces régions, à leur passage par le méridien central, n’avaient rien offert d’extraordinaire.

Les transformations analogues de l’île Argyre sont tout particulièrement intéressantes : cette île, en certaines circonstances, est devenue si brillante sur son bord qu’elle a fait illusion aux observateurs et que ceux-ci l’ont prise pour une tache polaire. Cette île avec son éclat intense avait déjà été remarquée par Dawes en 1852 ; les savants anglais qui ont étudié Mars la désignent sous le nom de Dawes’-Snow-Island (île neigeuse). Par contre, je l’ai vue souvent d’une couleur jaune ou même rouge foncé, au voisinage du méridien central. Je considère comme analogue la nature de l’île voisine. Celle-ci est désignée par le nom d’Argyre II ; elle est plus petite et située plus au Sud ; son existence ne s’est révélée à moi que le 8 novembre 1879. Elle se trouvait sur le bord gauche de Mars, et son éclat était plus faible que celui de la région polaire ; en passant au méridien central, elle présenta une couleur rouge trouble et une faible clarté.