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LA PLANÈTE MARS.

cxxxv. 1888. — Schiaparelli. La constitution physique de Mars.

L’éminent astronome de Milan a publié dans la Revue astronomique allemande Himmel und Erde et dans L’Astronomie[1] une synthèse générale de ses recherches. Nous nous faisons un devoir d’en reproduire ici les extraits les plus importants et nous sommes heureux d’offrir en même temps à nos lecteurs les deux dernières cartes dessinées par M. Schiaparelli lui-même sur l’ensemble de toutes ses observations (p. 440).

A. — Les régions de tons intermédiaires et leurs variations.

L’ensemble des régions que nous nommons mers ou continents, selon qu’elles sont foncées ou claires, occupe la plus grande partie de la surface de la planète ; mais il y a d’autres contrées dont l’aspect est variable et qui ont parfois le caractère apparent des mers, parfois celui des continents, parfois même les deux à la fois.

Telles sont, entre autres, dans Mare Erythræum, les deux zones désignées par les noms de Deucalionis Regio et de Pyrrhæ Regio, ainsi que les deux îles nommées Hellas et Noachis. De cette nature sont aussi, dans la Syrtis Magna, les îles Japygia et Œnotria et en général toutes les parties de mer qui ont sur la carte une teinte plus claire que celle du reste. Mare Cimmerium et Mare Acidalium renferment chacune une contrée de ce genre. Ces régions peuvent, selon des différences d’époques et d’angles visuels, présenter complètement ou en grande partie les diverses nuances que l’on observe sur les continents comme sur les mers de Mars ; elles forment ainsi une série de transitions. Elles ne paraissent pas être toutes de même caractère, autant que j’ai pu l’observer jusqu’à présent. Il semble que les unes sont plutôt de nature maritime et les autres de nature continentale. Ces régions ne sont pas toujours séparées nettement des continents et des mers environnantes, mais elles se relient souvent aux uns et aux autres par des dégradations insensibles de lumière et de nuances, ainsi qu’on le voit par divers exemples sur nos cartes.

Une des plus remarquables parmi ces régions intermédiaires est la Deucalionis Regio, qui se trouve dans Mare Erythræum, où elle forme une presqu’île coudée à angle droit. Elle est nettement limitée du côté qui touche au continent, tandis que, de tous les autres côtés, elle se perd en tons dégradés. Sa couleur tient le milieu entre celle des continents et celle des mers ; elle tire tantôt sur le jaune, tantôt sur le gris ; près du bord, on la voit parfois prendre une coloration gris blanc. En tout cas, elle m’a paru assez claire pour être nettement distinguée sur le fond sombre qui l’environne. On ne peut en dire autant de la Pyrrhæ Regio,

  1. Himmel und Erde, 1888. — L’Astronomie, janvier, février, mars et avril 1889.