Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
PH. GÉRIGNY. — LES MARÉES SUR MARS.

noyau solide de la planète ont une grande influence sur le résultat. Il a prouvé que si l’amplitude des oscillations de l’Océan reste contenue entre certaines limites, cela tient à ce que la densité de l’eau des mers est plus faible que la densité moyenne de la Terre. Dans le cas contraire, si par exemple l’Océan était composé de mercure au lieu d’eau salée, toute la masse des mers abandonnerait son lit à chaque marée, pour se répandre en une inondation formidable sur le sol des continents. Sans doute, ce cas extrême ne se rencontre pas sur Mars : la densité des mers y est probablement inférieure à celle de la planète ; mais la densité de Mars n’atteint pas les trois quarts de celle de la Terre, tandis que l’eau y est vraisemblablement la même qu’ici-bas. Le rapport des densités de la mer et du noyau intérieur y est donc environ les quatre tiers de ce qu’il est sur la Terre. D’après l’analyse de Lagrange, cette augmentation doit se traduire par une augmentation correspondante dans l’amplitude des oscillations du niveau maritime.

Pour toutes ces raisons, si, sur la Terre même, la hauteur de la marée peut atteindre jusqu’à 35 fois la hauteur de la protubérance à l’état d’équilibre, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que, sur Mars, la différence de niveau entre la haute et la basse mer atteignît jusqu’à 50 fois et même 100 fois la hauteur de la protubérance d’équilibre.

En résumé, les marées solaires sont bien certainement sur Mars de beaucoup inférieures à ce qu’elles sont sur la Terre ; les marées dues au second satellite atteignent seulement le vingtième de celles que produit le premier. Quant à ces dernières, leur importance est entièrement subordonnée à la masse de ce satellite. Il se peut qu’elles soient insignifiantes ; mais il se peut aussi qu’elles soient considérables. En tout cas, si l’influence mécanique de ce satellite est comparable à celle de la Lune sur la Terre, les mouvements des mers de Mars sont certainement plus tumultueux et plus importants que ceux de nos océans, et si, de plus, comme on le suppose assez généralement, le relief de Mars est très faible, et les côtes très peu élevées, ces marées doivent donner lieu, quatre fois par jour, à des inondations couvrant de vastes étendues de rivage. La Science astronomique n’est pas encore assez avancée pour trancher entièrement la question, puisqu’on ignore la masse des satellites de Mars ; mais on peut être assuré que la solution ne se fera pas bien longtemps attendre, car, fort heureusement, les satellites sont au nombre de deux qui exercent une action l’un sur l’autre. Après un nombre suffisant d’années d’observations, on pourra certainement déterminer les perturbations du mouvement de ces deux astres, et en déduire par conséquent leur masse. Alors, on pourra reprendre sur des bases certaines le calcul que j’ai essayé d’entreprendre, et l’on sera certainement fixé sur l’importance des marées de la planète Mars, et le rôle qu’elles ont pu et peuvent encore jouer dans les phénomènes et les modifications que nous observons à la surface de ce globe.