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LA PLANÈTE MARS.

sont rapides, plus furieux sont les mouvements de la mer, et plus haute est la marée. Or, le premier satellite, le seul qui paraisse intéressant dans la question, exécute sa révolution autour de Mars en 7h 39m 15s, tandis que la planète tourne en 24h 37m 23s ; il en résulte que ce satellite revient au même méridien au bout de 11h 6m 24s. C’est donc dans ce court intervalle de moins de douze heures que s’exécute la double oscillation de la marée ; c’est pendant ces douze heures que la mer est deux fois haute et deux fois basse, de sorte qu’il ne s’écoule pas six heures entre deux pleines mers, et à peine trois heures entre la haute mer et la basse mer. Cette rapidité des mouvements de flux et de reflux contribue vraisemblablement à augmenter dans d’assez grandes proportions la hauteur de la marée.

La configuration des mers de Mars, évasées d’un côté et se terminant par d’étroits canaux, se prête encore admirablement à l’augmentation du niveau des pleines mers. Il doit se passer dans ces mers allongées un phénomène analogue à celui qui se produit dans la Manche. La vague du flux, produite au sein de l’Océan, se propage dans un bassin dont les bords se rapprochent l’un de l’autre : la masse d’eau se trouve ainsi de plus en plus resserrée, et la vague doit nécessairement s’élever à mesure qu’elle avance, pouvant ainsi atteindre à des hauteurs considérables. Le satellite tournant plus vite que la planète, les marées de cette planète se propagent en sens inverse des nôtres, c’est-à-dire de l’Ouest à l’Est. Qu’on examine sur une carte la configuration de la mer du Sablier, et l’on comprendra que le flux arrivant dans l’océan Dawes viendra s’engouffrer du Sud au Nord dans la mer du Sablier, s’élevant à des hauteurs de plus en plus considérables à mesure que les rives se rapprochent. Un phénomène analogue doit se manifester dans une foule d’autres régions de la planète. Il est assez vraisemblable que, dans ces longs détroits, il doive se produire à chaque marée de véritables raz de marée, des barres analogues à celles de la Seine ou du fleuve des Amazones. De plus, comme les oscillations d’une masse liquide se propagent indifféremment dans tous les sens, et que les bras de mer de Mars mettent en communication des océans différents, il doit arriver dans certains d’entre eux au moins que le flux provenant de deux océans opposés s’y propage en sens inverse. Qu’on juge de ce qui peut se produire quand les deux vagues, marchant en sens inverse, viennent à se rencontrer.

Enfin la marée solaire, quoique faible, existe cependant aussi sur Mars, et elle se propage en sens inverse des marées dues aux satellites. Deux fois par jour, en un même lieu, les deux flux lunaire et solaire, marchant l’un vers l’autre, viennent à se rencontrer, ce qui ajoute encore à la grandeur du phénomène.

Il est enfin une dernière cause qui doit contribuer à donner plus d’importance aux marées de la planète Mars. Nous avons déjà dit que, dans ces oscillations, le niveau de la mer dépassait de beaucoup la position d’équilibre. En réalité, le problème des mouvements de l’Océan est beaucoup plus compliqué que la simple détermination de la forme d’équilibre. Les plus grands analystes du siècle dernier, Lagrange, Laplace, Legendre, se sont occupés de cette importante question, et Lagrange est parvenu à démontrer que les densités relatives de la mer et du