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LA PLANÈTE MARS.

après le solstice. (On sait que l’année de Mars dure 687 jours.) Le phénomène est donc absolument du même ordre que celui qui se passe aux pôles terrestres, mais plus marqué.

Les mesures micrométriques de la tache polaire australe, faites par M. Schiaparelli en 1879, montrent que cette tache a été réduite à 4° de dimension apparente à la fin de novembre (le solstice austral étant arrivé le 14 août). En admettant que ces quatre degrés de dimension apparente représentent, à cause de l’irradiation, le double des dimensions réelles, on voit qu’en 1879 les dimensions réelles de cette tache polaire ont été réduites à 2° ou 120 kilomètres de diamètre. Elles varient au moins dans la proportion de 900 à 120 kilomètres de diamètre.

Comme sur la Terre, ce pôle du froid ne correspond pas au pôle géographique, mais lui est excentrique ; il est placé à environ 6° du pôle géographique, à peu près sur l’intersection du 84e degré de latitude et du 35e degré de longitude.

La tache polaire boréale subit, comme la précédente, des variations correspondant aux saisons et à la température.

Cette fusion des taches polaires pendant l’été est en contradiction manifeste avec l’hypothèse que les continents de Mars seraient des champs de glace et que la température de la planète serait inférieure à celle de la Terre. Elle prouve le contraire, si l’on admet que ces neiges et ces eaux soient de même nature que les nôtres, ce qui n’est pas absolument certain, malgré les investigations de l’Analyse spectrale, car la pression atmosphérique, les points de fusion et de saturation, la composition chimique de l’atmosphère et des liquides, doivent offrir des différences originaires et permanentes avec ce qui existe sur notre planète.

C’est peut-être ici le lieu de remarquer que la température d’un lieu n’est pas uniquement réglée par sa distance au Soleil, mais encore et surtout par les propriétés physiques de l’atmosphère qui le recouvre. Il y a beaucoup de vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars, ce qui est démontré par les raies d’absorption de son spectre (mais la coloration de la planète n’est pas due à cette cause, puisqu’elle est plus forte au centre du disque, où il y a moins d’épaisseur à traverser que vers les bords). Or, c’est la vapeur d’eau qui joue le plus grand rôle dans la conservation des rayons calorifiques reçus. On sait que le pouvoir absorbant d’une molécule de vapeur aqueuse est 16 000 fois supérieur à celui d’une molécule d’air sec. Sans la vapeur d’eau ou quelque protection analogue, notre propre planète resterait constamment glacée. Les vapeurs des éthers sulfurique, formique, acétique, de l’amylène, du gaz oléfiant, de l’iodure d’éthyle, du bisulfure de carbone, jouissent des mêmes propriétés, d’après les expériences de Tyndall.

Remarquons aussi que l’aspect des continents de Mars diffère considérablement de celui des glaces polaires et des neiges qui, parfois, blanchissent certaines régions. Les neiges cet les glaces resplendissent d’une blancheur éclatante, tandis que les continents sont colorés d’un jaune très chaud, rappelant le ton des blés mûrs vu du haut d’un ballon.