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LA PLANÈTE MARS.

variés qui ont été signalés sur notre globe, à la surface des grands glaciers, tels que la mer de glace (mont Blanc), le glacier du Rhône et surtout la vaste région glacée du Groënland, pour ne citer que les plus connus. On sait que, parmi les changements incessants qui se produisent sur ces surfaces de glace par la succession des saisons, on remarque surtout, au point de vue qui nous occupe, des rides parallèles, des crevasses, des fentes rectilignes s’étendant sur des longueurs considérables et se coupant entre elles suivant des angles variés. M. Nordenskiöld a notamment rencontré, au Groënland, des phénomènes de ce genre tout à fait remarquables par leur grandeur et par les caractères plus précis qu’ils permettent d’assigner aux régions soumises au régime glaciaire.

En rapprochant ainsi les principales circonstances que présentent les canaux de Mars de celles qui ont été observées sur nos glaciers, on remarquera que les analogies et les ressemblances entre les deux ordres de phénomènes sont réellement assez marquées pour que l’on puisse, avec une grande probabilité, rapporter les uns et les autres à une même cause, l’état glaciaire.

On est donc conduit à l’hypothèse de l’existence à la surface de Mars d’immenses glaciers, analogues à ceux de notre globe, mais d’une étendue beaucoup plus considérable encore, et dont les mouvements et les ruptures doivent être également plus prononcés. On doit remarquer, en effet, que la longue durée des saisons sur la planète (double de celles de la Terre) favorise manifestement le développement et le bouleversement périodique des masses glacées, sous l’influence des dilatations et contractions dues aux changements de la température ; effets auxquels il faut joindre ceux qui résultent de la faible pesanteur à la surface de la planète (4/10 de celle de la Terre).

Mais, d’autre part, l’hypothèse dont il s’agit va-t-elle s’accorder avec plusieurs circonstances bien connues de la constitution physique de la planète ?

Et d’abord les distances au Soleil de Mars et de la Terre étant comme 3 à 2, les intensités du rayonnement sont comme 4 à 9 ; le rayonnement solaire est donc sur Mars 4/9 de ce qu’il est sur la Terre. Sans vouloir décider ici ce que deviendraient nos climats si le Soleil ne nous envoyait plus que les 4/9 de ses rayons, on peut assurer que toutes les températures moyennes seraient fort abaissées et que la plus grande partie de notre globe entrerait dans une période glaciaire. La température de Mars doit donc être bien plus basse que celle de la Terre, même en attribuant à la planète une atmosphère semblable à la nôtre.

De plus, on a des motifs sérieux de penser que l’atmosphère de Mars est moins développée que celle de la Terre.

D’abord, l’absence de bandes équatoriales montre que des mouvements atmosphériques réguliers ne se produisent pas là comme sur notre globe ; ce qui paraît indiquer une atmosphère d’une étendue plus limitée et, par suite, moins propre à absorber et à conserver la chaleur solaire que l’atmosphère terrestre.

Ensuite, on peut remarquer que la lumière de Mars présente une teinte rouge, reconnue de tous temps et par tous les observateurs. Or cette couleur rouge fournit une nouvelle preuve que l’atmosphère de Mars n’a pas une constitution