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LA PLANÈTE MARS.

modifications. Ces deux dessins montrent la mer du Sablier [à gauche dans celui du 29 avril (fig. 217), à droite dans celui du 5 mai (fig. 218)]. La Libye n’a pas disparu : le 5 mai, elle était bien visible et colorée de jaune-orange.

L’auteur pense que les différences d’aspects souvent observées proviennent surtout de la variation d’inclinaison des régions dessinées, vues plus ou moins obliquement et éclairées par le Soleil, sous des angles différents. En 1888, les régions australes se présentaient très obliquement.

Remarquons, de notre côté, que ces deux dessins de M. Niesten ne donnent pas, surtout le second, l’impression habituelle que nous recevons de l’observation de Mars. La mer du Sablier se reconnaît, sur la gauche dans le premier, sur la droite dans le second ; mais elle ne ressort pas sur l’ensemble, comme elle le fait généralement, et des configurations d’une importance beaucoup moindre, passagères même et indécises, dont quelques-unes incertaines, dessinent une géographie presque imaginaire, surtout dans la figure du 5 mai. Le crayon ne devrait pas fixer des aspects à peine entrevus. Mais comment faire autrement ? On distingue à peine certaines ombres légères, on n’est pas sûr de leurs contours, et plus d’un détail n’apparaît qu’en ces moments, aussi rares que fugitifs, de parfaite transparence. Illusion ou réalité ? Il semble que de telles vues télescopiques ne puissent rester que dans la pensée. On les indique au crayon, et ce qui est incertain, fugitif, atmosphérique peut-être, prend le même rang que ce qui est incontestable et permanent. La même remarque peut s’appliquer aux dessins de Nice : il y a, là aussi, des aspects incertains, et tel est le cas général des dessins de Mars.

Malgré les difficultés inhérentes à ces observations si délicates, on voit néanmoins que, grâce à la persévérance et à l’habileté des observateurs, nous pénétrons de plus en plus intimement dans la connaissance de ce monde voisin. Nous sommes arrivés, à cet égard, à une période fort intéressante et quelque peu critique, celle de l’interprétation des nombreux faits accumulés par l’observation. Le point essentiel est de ne pas reculer, et c’est ce qu’on a failli faire à l’Académie des Sciences.

cxxviii. 1888. — Fizeau. Une explication des canaux.

Voici la communication de l’illustre physicien à l’Académie[1] :

« Les apparences singulières observées à la surface de la planète Mars par M. Schiaparelli, et auxquelles plusieurs observateurs, et notamment M. Perrotin, de l’Observatoire de Nice, ont ajouté récemment des particularités nouvelles, sont demeurées jusqu’ici sans explication plausible. On s’accorde à les désigner

  1. Séance du 25 juin 1888 (L’Astronomie, août 1888, p. 287).