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LA PLANÈTE MARS.

taine quantité de vapeur d’eau dans son atmosphère, et cette vapeur est transportée d’une manière quelconque vers les régions polaires où elle est précipitée sous forme de neige.

Mais, d’autre part, la surface entière de Mars semblerait devoir être au-dessus de ce que nous pourrions appeler la ligne de neige pour une planète analogue à la Terre, car toute région terrestre où le froid serait aussi grand qu’il doit être sur Mars et où l’atmosphère serait aussi raréfiée serait certainement au-dessus de la ligne des neiges éternelles. Comment donc se fait-il que la neige fonde sur Mars comme elle le fait manifestement, puisque nous y voyons des régions neigeuses variables et des régions rougeâtres ?

À cette alternative Proctor répond dans les termes suivants :

La neige qui existe à la surface de Mars peut être en faible quantité, la chaleur solaire n’y étant pas assez active pour produire beaucoup de vapeur d’eau. Il n’y aurait point là d’accumulation de neiges analogues à celles qui existent ici au-dessus de la ligne des neiges perpétuelles, mais il pourrait exister à la surface de Mars, excepté près des pôles, une mince couche de neige, ou plutôt il n’y aurait ordinairement qu’une couche de gelée blanche. Maintenant, le soleil de Mars, quoique incapable d’élever de grandes quantités de vapeurs dans l’atmosphère ténue de la planète, pourrait cependant fondre et vaporiser cette mince couche de neige ou de gelée blanche. La chaleur directe du Soleil brillant à travers une atmosphère si rare doit être considérable partout où l’astre est à une élévation suffisante, et la pression atmosphérique est si faible que la vaporisation est très facile, attendu que le point d’ébullition doit y être très bas. Par conséquent, durant la plus grande partie du jour martien, la couche de gelée blanche ou de neige légère qui peut être tombée pendant la nuit précédente serait complètement fondue, et le sol rougeâtre ou les verdâtres océans de glace redeviendraient visibles pour l’observateur terrestre. Les régions marginales du disque de Mars seraient blanchâtres, puisque ce sont celles où le Soleil est très peu élevé au-dessus de l’horizon.

Si l’on adoptait cette vue de la climatologie martienne, le fait le plus caractéristique de cette situation serait la fusion quotidienne de la couche de gelée blanche ou de neige légère avant midi, et la précipitation d’une nouvelle couche blanche lorsque le soir approche. Pendant la durée du jour, l’atmosphère reste assez pure, autant qu’on en peut juger du moins, d’après l’aspect télescopique de la planète, quoique pourtant rien n’y empêche sans doute la formation éventuelle de légers cirrus ou de nuages de neige, surtout dans la matinée. En fait, les phénomènes qui ont été généralement regardés comme dus à la précipitation de la pluie de véritables nimbus sur les océans et les continents de Mars peuvent être attribués, avec plus de probabilité, à l’évaporation de cirrus par la chaleur solaire. Les régions polaires seraient perpétuellement couvertes de neige, les limites des caps polaires variant avec les saisons et ne présentant sans doute que des accumulations de neige fort inférieures à celles qui existent sur la Terre.