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PROCTOR. — LES CANAUX. NOUVELLE CARTE.

que la Terre doit avoir neuf fois moins d’eau et d’air. Comme la surface de la Terre surpasse celle de Mars dans le rapport de 7 à 2, la quantité totale d’eau et d’air sur chaque hectare de notre planète surpasserait la même quantité sur chaque hectare de Mars dans la proportion de 18 à 7.

(Rien ne nous autorise à penser strictement que les conditions originelles de la formation des deux planètes aient été les mêmes.)

En ce qui concerne la densité de l’atmosphère, au niveau de la mer, il faut prendre en considération l’état de la pesanteur à la surface de Mars, Or la proportion entre ces deux états est la même que la précédente : 18 à 7.

Ainsi, tandis qu’il n’y aurait là que les 7/18 de l’eau et de l’air qui existent ici, par mètre carré, ces deux éléments devraient être dans la proportion du carré de 7 au carré de 18, ou de 49 à 324, ou de 5 à 33.

Si l’on admettait que l’atmosphère de Mars eût ce degré de ténuité, tandis que la quantité d’eau par kilomètre carré ne serait que les 7/18 de ce qui existe sur la Terre et que l’action du Soleil est de moitié plus faible qu’ici, il serait difficile de concevoir qu’il y eût assez de vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars pour être perceptible au spectroscope. Même en doublant la quantité d’eau et d’air, on diminue à peine la difficulté.

Quoique l’atmosphère de Mars soit probablement beaucoup plus rare que la nôtre, elle doit être plus élevée, étant comprimée par une force très inférieure à celle de la gravité terrestre. Sur notre globe, une élévation de 4 000 mètres suffit pour diminuer de moitié la pression atmosphérique ; sur Mars il faudrait une élévation de 10 400 mètres pour arriver au même résultat. Ici, à une altitude de 21 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, la pression atmosphérique est réduite à 1/32 ; à la même altitude sur Mars, elle n’est réduite que de 1/4. En admettant qu’au niveau de la mer sur Mars cette pression soit 1/7 de ce qu’elle est ici, l’air martien serait plus dense à une altitude de 29 000 mètres que chez nous à la même hauteur. À de plus grandes élévations, la différence s’accroît encore en faveur de Mars.

Il n’est pas facile de déterminer ce qui se passe dans Mars lorsque nous croyons y reconnaître des signes météorologiques tels que les nuages se formant ou se dissolvant ou les brumes du matin et du soir, ainsi que d’autres phénomènes qui ne paraissent pas compatibles avec l’idée d’un froid extrême : même la présence de la glace et de la neige impliquent l’action de la chaleur. Le froid seul, comme l’a montré Tyndall, ne pourrait produire de glaciers : les vents du Nord-Est les plus rigoureux pourraient souffler pendant tout l’hiver sans apporter un seul flocon de neige. Pour que le froid produise de la neige, il faut qu’il ait à sa disposition de la vapeur d’eau dans l’air, et cette vapeur ne peut être produite que par la chaleur. Le Soleil exerce donc sur Mars une action calorifique suffisante pour élever une cer-