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LA PLANÈTE MARS.

Les canaux que nous venons d’énumérer, vus pour la plupart deux fois ou par plusieurs observateurs, sont dans la position où les a dessinés M. Schiaparelli en 1882. Leur aspect diffère peu en général de ce qu’il est sur la carte ; seulement, quelques-uns portés comme doubles sont simples, ce qui peut tenir à la plus grande distance de Mars dans cette opposition. Ils semblent donc constituer dans la région équatoriale de la planète un état de choses qui, s’il n’est pas absolument permanent, ne se modifie pas non plus d’une manière essentielle.

Changements observés sur Mars. — Pendant nos études sur les canaux, il s’est produit un changement notable, mais passager, dans la région occupée par la mer du Sablier, et digne d’être signalé. Lors de nos premières observations, cette partie de la surface était sombre, comme le sont les mers, et sensiblement conforme à la carte ; mais, lorsque nous la revîmes, le 21 mai, l’aspect en était tout différent. Ce jour-là, la portion de la Grande Syrte qui s’étend entre le 10e degré et le 55e degré de latitude boréale était cachée par un voile lumineux, de la couleur des continents, mais d’une lumière moins vive et plus douce. On aurait dit des nuages ou des brouillards disposés par bandes régulières et parallèles, orientés, sur la planète, du Nord-Ouest au Sud-Est. Par moments, ces nuages devenaient transparents et laissaient entrevoir les contours du prolongement de la Grande Syrte. Le 22 mai, ils étaient plus uniformément distribués que la veille ; on les voyait encore les 23, 24 et 25, mais ils avaient beaucoup diminué d’intensité. Ils s’étendaient probablement assez loin, sur les continents, à l’est et à l’ouest de la mer, car d’un jour à l’autre, quelquefois dans le courant d’une même soirée, les parties voisines sombres, entre autres le lac Mœris à l’Est, le Nil à l’Ouest, étaient tantôt visibles, tantôt invisibles.

Le 25 mai, nous vîmes reparaître l’isthme dessiné dans le prolongement de la Grande Syrte, au delà de sa jonction avec le Nil, vers 300° de longitude et 52° de latitude boréale, et qui était resté caché jusqu’à ce jour. À cette même date, nous constations un assombrissement très accentué des continents dans le voisinage immédiat de la mer.

Durant ces apparences singulières, la partie australe de la Grande Syrte, qui n’avait pas été atteinte par les nuages, était devenue plus sombre et présentait une teinte bleu verdâtre bien caractérisée.

Des phénomènes de ce genre sont-ils réellement produits par des nuages ou des brouillards circulant dans l’atmosphère de Mars ? C’est probable. Ils sont, dans tous les cas, le fait d’un élément appartenant à l’atmosphère ou à la surface de la planète, susceptible de se mouvoir et de se modifier dans un temps relativement court.

Pendant que nous observions ce qui précède, nous avons noté autour de la tache blanche du pôle boréal, à une faible distance de la tache, entre 200° et 280° de longitude, deux ou trois points brillants, semblables à ceux qui furent remarqués par M. Green, en 1877, à Madère, autour de la tache australe, à l’époque du solstice d’hiver de la planète. Notre observation, faite cinquante jours en moyenne après le solstice d’été, rapprochée de celle de l’astronome anglais, semble indi-