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LA PLANÈTE MARS.

spéciale à la planète Mars, probablement rattachée au cours de ses saisons.

» Voilà les faits observés. L’éloignement de la planète et le mauvais temps empêchèrent de continuer les observations. Il est difficile de se former une opinion précise sur la constitution intrinsèque de cette géographie, assurément fort différente de celle de notre monde. Si le phénomène est réellement lié aux saisons de Mars, il est possible qu’il se reproduise pendant le prochain retour de la planète. Le 1er janvier 1884, la position de Mars à l’égard de ses saisons sera la même que celle du 13 février 1882, et le diamètre apparent sera de 13″. Tout instrument capable de faire voir sur un fond clair une ligne noire de 0″,2 de largeur et de séparer l’une de l’autre deux lignes comme celle-là, écartées de 0″,5, pourra être employé à ces observations.

« Dans l’état actuel des choses, il serait prématuré d’émettre des conjectures sur la nature de ces canaux. Quant à leur existence, je n’ai pas besoin de déclarer que j’ai pris toutes les précautions commandées pour éviter tout soupçon d’’illusion : je suis absolument sûr de ce que j’ai observé. »

Ainsi s’exprimait l’habile astronome dans son premier article sur ces étranges observations. Il suffit, d’ailleurs, de regarder la carte qui accompagne cet article (fig. 195) pour être absolument étonné de pareilles découvertes et en croire à peine ses yeux. On s’explique aisément le scepticisme général qui les accueillit. Nous les examinerons avec soin ; mais nous devons tout de suite exposer dans tous ses détails les observations complètes de M. Schiaparelli, d’après son troisième mémoire[1].

Ces observations s’étendirent sur un espace de six mois, du 26 octobre 1881 au 29 avril 1882. « On a retrouvé tous les canaux vus en 1877, entre autres l’Hiddekel, resté douteux en 1879, et la Fontaine de Jeunesse, invisible en 1879. Des causes, probablement en rapport avec le Soleil, mirent à nu une grande quantité de particularités nouvelles. La couleur rouge clair mêlée de blanc qui occupait, en 1877, toute la zone équatoriale au nord du grand Diaphragme et, en 1879, s’étendait encore considérablement, disparut presque entièrement en janvier et février 1882. On commença à distinguer, dans ce voile lumineux, des ombres indistinctes entourées de taches informes, de couleur orangée ; ces ombres devinrent graduellement plus sombres et mieux définies et ne tardèrent pas à se transformer en groupes de lignes plus ou moins noires. En même temps, la coloration orangée s’étendit et finit par prendre, à part quelques exceptions, toute la zone dite continentale. La vaste étendue nommée océan et golfe Alcyonien qui, en 1879, paraissait grise et indéterminée et qui semblait plutôt de caractère maritime, se résolut en

  1. Osservazioni astronomiche e fisiche, etc. Memoria terza (Reale Accademia de Lincei, Roma, 1886).