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LA PLANÈTE MARS.

L’ensemble de ses observations de cette époque ne fut publié qu’en 1886, dans un troisième mémoire, faisant suite aux deux premiers analysés plus haut. Mais, dès le milieu de l’année 1882, il fit connaître, par l’Académie romaine des Lincei, le fait le plus curieux de cette nouvelle série : le dédoublement des canaux de Mars.

Voici ce premier résumé, tel que nous nous sommes empressé de le publier nous-même[1] sous la signature de l’illustre astronome, d’après l’envoi qu’il avait bien voulu nous adresser.

Rappelons que la date de cette opposition était le 26 décembre.

« La dernière opposition de Mars a pu être observée à Milan en d’excellentes conditions météorologiques. Octobre et novembre ont été peu favorisés, mais nous avons eu, du 26 décembre 1881 au 13 février 1882, cinquante jours particulièrement beaux. Les hautes pressions atmosphériques qui ont dominé à cette époque ont produit une série de belles journées, calmes et sereines, extrêmement favorables pour les observations. Pendant seize jours on a pu utiliser toute la puissance de notre excellent équatorial[2], et pendant quatorze autres jours l’atmosphère n’a laissé que fort peu à désirer. Aussi, quoique le diamètre apparent de la planète n’ait pas atteint 16″, tandis qu’il avait dépassé 19″ en 1879 et 25″ en 1877, il a été possible, dans cette troisième période d’opposition observée par moi, d’obtenir sur la nature physique de ce monde un ensemble de renseignements qui surpassent, par leur nouveauté et leur intérêt, tout ce que j’avais obtenu précédemment.

» La série des mers intérieures comprises entre la zone claire équatoriale et la mer australe s’est montrée mieux dessinée qu’en 1879. Dans la mer Cimmérienne, on voyait une espèce d’île ou de traînée lumineuse qui la partageait dans sa longueur, ce qui lui donnait de l’analogie avec l’aspect de la mer Érythrée. La mer Chronienne a subi des modifications très notables depuis 1879. Plus surprenante encore est la variation d’aspect présentée par la grande Syrte qui a envahi la Libye et s’est étendue, en forme de ruban noir et large, jusqu’à 60° de latitude boréale. Le Népenthès et le lac Mœris ont augmenté de largeur et d’obscurité, tandis qu’il restait à peine quelques vestiges du marais Coloé, si visible sur la carte de 1879. Ainsi, des centaines de milliers de kilomètres carrés de surface sont devenus sombres, de clairs qu’ils étaient, et, à l’inverse, un grand nombre de régions

  1. L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, 1re année, 1882, août, p. 126.
  2. Objectif de Mertz, de Munich, de 0m,218 de diamètre et de 3m,25 de longueur focale ; oculaires grossissant 322 fois et 468 fois.