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LA PLANÈTE MARS.

ments employés, et que l’on constate ainsi des différences qui paraissent incompatibles avec les erreurs d’observation, la probabilité penche en faveur de la réalité effective des changements signalés.

» De quelle nature sont ces variations ? c’est ce que l’avenir nous apprendra. Nous ne pourrions émettre actuellement que de vagues conjectures à cet égard. Mais quelles qu’elles soient, elles n’empêchent pas les principales configurations de la géographie martienne d’être permanentes, par conséquent réelles, et d’être vues actuellement telles que nos pères les ont vues et dessinées il y a plus de deux siècles.

» Autre remarque non moins intéressante. Cette planète voisine paraît avoir beaucoup moins de nuages que celle que nous habitons.

» C’est là un grand contraste avec notre globe, car il y a des années où nous n’en sommes vraiment pas privés. En une année entière, du mois d’août 1878 au même mois 1879, nous avons eu à Paris 167 jours pendant lesquels il a plu, et seulement 37 jours de ciel pur ou peu nuageux, 37 jours faits pour les astronomes. Sur l’hémisphère austral de Mars, c’était absolument le contraire lors des observations de 1877 : on a pu observer la planète toutes les fois qu’il a fait beau chez nous. Il ne faut pas oublier, en effet, que, pour que l’observation de la géographie martienne soit possible, deux conditions sont requises avant toutes autres : il faut qu’il fasse beau chez nous et que notre atmosphère soit pure, et il faut aussi qu’il fasse beau sur Mars, autrement nous ne pourrions pas mieux percer sa couche de nuages que nous ne pouvons en ballon traverser de la vue les nuages qui nous cachent les villages terrestres. Eh bien, il est remarquable que, sur Mars, neuf mois entiers se soient écoulés à peu près sans nuages et nous aient permis de perfectionner grandement les connaissances géographiques que nous voulions avoir de ce monde voisin.

» Nous nous trouvions en septembre et octobre 1877 au milieu de l’été de l’hémisphère austral de Mars, alors très incliné vers nous, et au milieu de l’hiver de son hémisphère boréal, tourné de l’autre côté. Tous les nuages paraissaient relégués sur cet hémisphère-ci, Sur ce globe, encore plus que sur le nôtre, l’été est la saison de l’atmosphère pure et l’hiver celle du mauvais temps. Les taches permanentes se montrent tranchées, vives et nettes, pendant l’été de l’hémisphère où elles sont placées, l’hiver arrive-t-il, elles deviennent vagues, confuses et faibles ; c’est, sans doute, que l’atmosphère de Mars devient trouble en hiver et reste très transparente en été. On remarque aussi une préférence pour les nuages à se former sur les marais et les bas-fonds teintés en gris sur la carte, plutôt que sur les mers obscures et profondes, et c’est ce qui retarde la connaissance précise que nous cherchons à acquérir de la contrée située au-dessus du détroit d’Herschel II ; mais on n’y remarque pas de zones constamment nuageuses et pluvieuses analogues à celle des calmes équatoriaux terrestres, où il pleut toute l’année.

» Quant à l’épaisseur de cette atmosphère relativement au disque de la planète, elle est inévitablement trop mince pour être visible d’ici, lors même qu’elle serait