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LA PLANÈTE MARS.

courant dans leur lit de cailloux dorés par le soleil ; rivières traversant les plaines ou tombant en cascades au fond des vallées ; fleuves descendant lentement à la mer à travers les vastes campagnes. Les rivages maritimes reçoivent là, comme ici, le tribut de canaux aquatiques, et la mer y est tantôt calme comme un miroir, tantôt agitée par la tempête. »

Nous n’avons reproduit ce passage que pour montrer l’accord des deux raisonnements. Pour notre part, nous continuerons à penser que les taches foncées du globe de Mars représentent des mers. Nous verrons plus loin (1879) que M. Schiaparelli a changé d’avis et est redevenu fort sceptique à cet égard.

Mais continuons l’exposé de l’œuvre de cet éminent observateur. Il arrive ensuite à l’examen des mers et rapporte la variété de leurs tons à la profondeur, les plus profondes absorbant davantage la lumière solaire et devant nous paraître plus sombres, les moins profondes laissant transparaître leur fond à travers leur épaisseur. La nature du liquide et celle des matières qu’il peut tenir en suspension peuvent aussi avoir leur influence. « Sans faire aucune hypothèse spéciale sur la nature de ces liquides, la variété de leurs tons peut s’expliquer simplement par des différences de profondeur, de transparence et de constitution chimique. »

« La salure différente des mers terrestres détermine, ajoute l’astronome de Milan, de grandes différences de teintes dans ces mers. Plus l’eau est salée, plus elle est sombre. En général, la salure des mers terrestres décroît avec la latitude, en raison de la moindre évaporation et d’une plus grande précipitation, et c’est ce qui explique que les mers polaires sont plus claires que les équatoriales. C’est ce qu’a montré Maury, à propos du contraste des eaux du Gulf-Stream avec l’Atlantique, du vert clair de la mer du Nord et des mers polaires, de l’azur sombre des mers tropicales et de l’océan Indien. Il en est de même sur Mars. Là aussi, la mer polaire est de couleur moins sombre que celles de la zone torride, et les mers de la zone tempérée ont une teinte intermédiaire. Tout cela nous conduit à assimiler les mers martiennes aux mers terrestres. »

Et l’auteur ajoute encore :

« Le réseau compliqué de lignes sombres qui réunissent entre elles les taches que nous regardons comme des mers, est un autre argument en faveur de la même hypothèse. Ces lignes doivent leur couleur à la même cause que celle des mers, et ne peuvent être que des canaux ou des détroits de communication. Leur élargissement à leur embouchure est toute naturelle dans cette explication. Rien d’analogue à ce réseau ne se voit sur la Lune. Si c’étaient là des matériaux diversement colorés, il faudrait chercher comment une telle distribution réticulée a pu se produire.

» On voit donc, dit encore M. Schiaparelli, que l’hypothèse d’une constitution