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SCHIAPARELLI. — OBSERVATIONS ET CARTE.

tions deviennent inutiles du moment que, sur la planète, on voit des apparences précisément semblables à celles que présenterait à un observateur placé sur Mars la circulation des vapeurs de l’atmosphère terrestre. »

Ce raisonnement, publié par M. Schiaparelli en 1878, est du même ordre que celui que l’on peut lire dans la première édition des Terres du Ciel (1876, p. 429). Et comment pourrait-il en être autrement ? L’analogie est trop évidente ici pour ne pas être notre guide, tout en nous gardant de toute conclusion trop étroite, trop « géomorphique », pourrions-nous dire. Nous demanderons à nos lecteurs la permission de reproduire ce passage.

« La météorologie martienne est une reproduction très ressemblante de celle de la planète que nous habitons. Sur Mars, comme sur la Terre, en effet, le Soleil est l’agent suprême du mouvement et de la vie, et son action y détermine des résultats analogues à ceux qui existent ici. La chaleur vaporise l’eau des mers et l’élève dans les hauteurs de l’atmosphère ; cette vapeur d’eau revêt une forme visible par le même procédé qui donne naissance à nos nuages, c’est-à-dire par des différences de température et de saturation. Les vents prennent naissance par ces mêmes différences de température. On peut suivre les nuages, emportés par les courants aériens, sur les mers et les continents, et maintes observations ont, pour ainsi dire, déjà photographié ces variations météoriques. Si l’on ne voit pas encore précisément la pluie tomber sur les campagnes de Mars, on la devine du moins, puisque les nuages se dissolvent et se renouvellent. Si l’on ne voit pas non plus la neige tomber, on la devine aussi, puisque, comme chez nous, le solstice d’hiver y est entouré de frimas. Ainsi il y a là, comme ici, une circulation atmosphérique, et la goutte d’eau que le Soleil dérobe à la mer y retourne après être tombée du nuage qui la recélait. Il y a plus : quoique nous devions nous tenir solidement en garde contre toute tendance à créer des mondes imaginaires à l’image du nôtre, cependant celui-là nous présente, comme dans un miroir, une telle similitude organique, qu’il est difficile de ne pas aller encore un peu plus loin dans notre description.

» En effet, l’existence des continents et des mers nous montre que cette planète a été, comme la nôtre, le siège de mouvements géologiques intérieurs qui ont donné naissance à des soulèvements de terrains et à des dépressions, Il y a eu des affaissements et des soulèvements modifiant la croûte primitivement unie du globe. Par conséquent, il y a des montagnes et des vallées, des plateaux et des bassins, des ravins escarpés et des falaises. Comment les eaux pluviales retournent-elles à la mer ? Par les sources, les ruisseaux, les rivières et les fleuves. La goutte d’eau tombée des nues traverse, comme ici, les terrains perméables, glisse sur les terrains imperméables, revoit le jour dans la source limpide, gazouille dans le ruisseau, coule dans la rivière, et descend majestueusement dans le fleuve jusqu’à son embouchure. Ainsi, il est difficile de ne pas voir sur Mars des scènes analogues à celles qui constituent nos paysages terrestres : ruisseaux