Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
ASAPH HALL. — DÉCOUVERTE DES SATELLITES.

qu’en admettant que leur surface soit analogue à celle de la planète elle-même, leurs diamètres ne surpassent pas dix à douze kilomètres. Le premier, Phobos, est le plus brillant et probablement le plus gros des deux ; il n’offre que le faible éclat d’une étoile de 10e grandeur, et le second, seulement celui d’une étoile de 12e ; cependant le second est plus facile à découvrir, parce qu’il est plus éloigné de la planète et moins éclipsé dans ses rayons. Il n’en est pas moins bien remarquable que ces deux points lumineux, dont le diamètre ne surpasse guère celui de Paris, soient visibles à quinze et vingt millions de lieues de distance dans les instruments dus au génie de l’homme[1] !

Les mouvements apparents de ces satellites dans le ciel de Mars sont particulièrement curieux. Le satellite extérieur tourne, avons-nous dit, autour de sa planète, en 30 heures 17 minutes 54 secondes, tandis que la planète tourne sur elle-même en 24 heures 37 minutes 23 secondes. Il en résulte que ce petit globe paraît marcher très lentement de l’Est à l’Ouest dans le ciel de Mars.

La différence entre la période du satellite extérieur et la rotation de Mars étant de 5 heures 41 minutes, ce satellite emploie en apparence 131 heures pour accomplir son circuit dans le ciel de Mars ; c’est une période de 5 jours martiens plus 8 heures, et c’est là un petit mois dont les habitants doivent se servir pour leur calendrier.

Tout autre est le mouvement du satellite le plus proche. Comme il accomplit sa révolution entière de l’Ouest à l’Est en 7 heures 39 minutes, et que la planète tourne dans le même sens en 24 heures 37 minutes, il se lève à l’Occident et se couche à l’Orient après avoir traversé le ciel avec une vitesse correspondante à la différence des deux mouvements, c’est-à-dire en 11 heures environ[2]. C’est là un exemple unique dans le système du monde.

Quelle est la grandeur apparente de ces deux lunes, vues de la planète ?

Chacun sait qu’un objet éloigné à la distance de 57 fois son diamètre,

  1. « En admettant pour le satellite extérieur un diamètre de 0″,031, écrivait M. Hall lui-même (Monthly Notices, fév. 1878, p. 207), cet angle correspond, à la distance de notre Lune, à un cercle de 187 pieds (= 57 mètres), de sorte que la proposition d’établir un système de signaux lumineux pour communiquer avec les habitants de la Lune n’est pas du tout un projet chimérique : « Is by no means a chimerical project. »
  2. « En observant les passages de cette lune au méridien, écrit M. Hall (Monthly Notices, id., p. 208), les astronomes de Mars ont une méthode très exacte de déterminer les longitudes martiennes, puisqu’au lieu du facteur 29, qui, dans le cas de notre Lune, multiplie l’erreur d’observation, les Martiens ont un facteur inférieur à 4. Cependant, on ne peut guère douter que les astronomes martiens aient aussi leurs difficultés, dues peut-être surtout à une dense atmosphère et à une forte réfraction ; et puis, ce n’est pas une sinécure que d’observer trois passages au méridien par jour ! »