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LA PLANÈTE MARS.

que, emportées par la rotation, elles arrivent vers les bords du disque, non seulement elles se présentent en raccourci suivant la perspective géométrique de leur position sur la sphère tournante, mais encore elles perdent leur netteté, deviennent pâles, et cessent d’être visibles avant d’atteindre le bord. Cet effet est causé par l’atmosphère, qui absorbe les rayons lumineux, et interpose un voile de plus en plus épais à mesure que le rayon visuel approche du bord. De plus, le bord de la planète est tout autour, dans son intérieur, plus pâle que la région centrale, à cause de la même absorption atmosphérique.

D’autre part, les neiges, les nuages et les recherches de l’analyse spectrale prouvent la présence de la vapeur d’eau dans cette atmosphère.

La géographie martienne forme l’objet d’un autre Chapitre, dans lequel nous exposions l’ensemble des observations depuis 1636, et qui se complète par une Carte représentant nos connaissances les plus sûres. On trouvera cette Carte un peu plus loin, p. 251, à propos des préparatifs faits en vue de l’opposition de 1877. Nous la résumions ainsi :

L’examen de ce planisphère nous montre d’abord que la géographie de Mars ne ressemble pas à celle de la Terre. Tandis que les trois quarts de notre globe sont couverts d’eau, la distribution des mers et des terres est à peu près égale sur Mars. Au lieu d’être des îles, émergées du sein de l’élément liquide, les continents semblent plutôt réduire les océans à de simples mers intérieures, à de véritables méditerranées. Il n’y a point là d’Atlantique ni de Pacifique, et le tour du monde peut presque s’y faire à pied sec. Les mers sont découpées en golfes variés prolongés en un grand nombre de bras s’élançant comme notre mer Rouge à travers la terre ferme. Tel est le premier caractère de l’aréographie. Le second, qui suffirait aussi pour faire reconnaître Mars d’assez loin, est fourni par la mer du Sablier et la Manche.

Nous nous rangions aussi à l’opinion que les taches foncées représentent réellement des étendues d’eau, et les claires des continents, interprétation discutée et contestée par plus d’un observateur (Liais, Cruls, Brett, Trouvelot, etc.).

Qu’il y ait de l’eau sur ce monde, écrivions-nous, c’est ce qui est évident, attendu qu’on la voit à l’état de glaces polaires, de neiges variables, et aussi à l’état de nuages flottant dans l’atmosphère, et que de plus on en constate la présence à l’aide du spectroscope. Les mers, vues de loin, doivent paraître plus foncées que les terres, parce que l’eau absorbe une grande partie de la lumière et n’en réfléchit que fort peu.

Il faut remarquer cependant que les mers de Mars ne sont pas également sombres ; plusieurs sont particulièrement foncées (la mer du Sablier, le golfe Kaiser, la mer Lockyer, la mer Maraldi (carte, p. 251)). On pourrait penser que les moins sombres sont parsemées d’îles que nous ne distinguons pas à cause de leur