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LA PLANÈTE MARS.

l’opticien, lui payèrent assez chèrement une lunette pareille, mais à la condition singulière, qu’il n’en vendrait, ni même n’en ferait aucune autre ; ce qui explique, nous dit Rheita, comment une invention si fortuite et si admirable est restée assez longtemps inconnue. Elle se répandit enfin ; elle fut perfectionnée, et Galilée, par ses découvertes, lui donna la plus grande célébrité.

Cette lunette, cependant, était assez incommode, parce qu’elle avait trop peu de champ. Rheita sentit l’utilité de mettre en pratique les idées de Kepler ; il assembla deux lentilles convexes ; mais, comme tout a ses inconvénients, les objets se montraient renversés, ce qui, au reste, ne lui parut pas un grand mal. Il y remédia depuis, en ajoutant un second oculaire. Il est incroyable, nous dit-il encore, combien le champ fut augmenté : on pouvait apercevoir à la fois et compter de 40 à 50 étoiles, parce que le champ était devenu cent fois plus grand que celui de Galilée. Animé par ce succès, il chercha si, en réunissant deux lunettes pour les deux yeux, il ne verrait pas encore mieux : et il y réussit. Le Gentil, qui a renouvelé l’épreuve au siècle dernier, en parle dans le même sens ; cependant les lunettes binoculaires sont restées inusitées ; elles ne peuvent convenir d’ailleurs qu’aux observateurs qui ont les deux yeux parfaitement égaux, ce qui est assez rare.

Rheita explique ensuite la manière de tailler et de polir les verres, et de leur donner la forme hyperbolique, suivant les idées de Descartes. Il est aussi l’auteur des mots objectif et oculaire, qui sont restés.

Le livre de Rheita est de 1645. Cependant, les recherches de M. Govi ont montré qu’en fait, les premières lunettes binoculaires ou jumelles ont été présentées au roi Louis XIII par un opticien de Paris, nommé Chorez, dès l’année 1620.

Mais continuons notre exposé chronologique des observations de Mars.

II. 1640-1644. — Riccioli.

Ce fécond auteur a publié en 1651 son grand ouvrage Almagestum novum, que nous avons également sous les yeux. L’auteur reproduit (p. 486) les deux dessins de Fontana réduits d’un tiers. Il ajoute que le P. Zucchi, son confrère en la Compagnie de Jésus, a observé Mars le 23 mai 1640 et n’y a pu distinguer aucune tache, ni noire ni rouge : « sine macula seu nigra seu rubra. » Le P. Bartoli, son érudit et éloquent confrère de Naples, a observé Mars le 24 décembre 1644 et a vu deux taches dans la partie inférieure du disque. Il ajoute que la postérité en verra bien davantage, si Dieu le permet : « Multa itaque observando supersunt, nobis aut vobis, o posteri ! » Il ne croit pas aux satellites de Mars observés par Rheita : c’étaient, en effet, des étoiles fixes.