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C. FLAMMARION. — OBSERVATIONS.

sud est visiblement marquée d’une traînée blanche près des bords. Est-ce la neige qui descendrait jusqu au 40e degré de latitude sud ? Il est plus probable que ce sont des nuages.

L’étude détaillée de la planète montre que sa surface est bien différente de la surface terrestre, au point de vue du partage des terres et des mers. Chez nous, les trois quarts du globe sont couverts d’eau ; sur Mars, au contraire, il y a plus de surface continentale que de surface maritime. Toutefois, l’évaporation y produit des effets analogues à ceux qui constituent la météorologie terrestre, et l’analyse spectrale montre que l’atmosphère de Mars est chargée de vapeur d’eau comme la nôtre, et que ces mers, ces neiges, ces nuages sont réellement composés de la même eau que nos mers et nos météores aqueux.

Il m’a semblé que la coloration rouge des continents est moins intense cette année qu’en général. On a souvent discuté la cause de cette coloration, et d’abord on l’a attribuée à l’atmosphère ; mais cette explication a été rejetée puisqu’il est constaté que les bords du disque de la planète sont moins colorés que le centre ; ils sont presque blancs. Ce serait le contraire si la coloration était due à l’atmosphère, car elle croîtrait en raison de l’épaisseur d’atmosphère traversée par les rayons réfléchis. Est-elle due à la couleur des matériaux constitutifs de la planète ? On pourrait l’admettre si des raisonnements d’analogie ne nous engageaient à penser que les continents de Mars n’ont pu rester à l’état de déserts stériles, mais que, sous l’influence de l’atmosphère, des pluies, de la chaleur fécondante du Soleil et des éléments qui ont amené sur la Terre la production du monde végétal, ils ont dû se recouvrir aussi d’une végétation quelconque, en rapport avec l’état physique et chimique de cette planète. Or, comme ce n’est pas l’intérieur du sol que nous voyons, mais la surface, la coloration rouge doit être celle de la végétation de Mars, quelle que soit d’ailleurs l’espèce de végétation qui s’y produise. Il est vrai que, quoique les saisons de cette planète soient à peu près de même intensité que les nôtres, on ne voit pas de variations de nuances correspondant à celles que l’on observe avec les saisons sous nos latitudes terrestres ; mais la végétation qui tapisse la surface de Mars peut être fort différente de la nôtre et subir moins de variations dans le cours de l’année.

Quoi qu’il en soit, les études faites sur cette planète voisine sont assez nombreuses maintenant pour nous permettre de nous former une idée générale de sa géographie et même de sa météorologie. On peut résumer comme il suit les faits qui semblent désormais acquis à l’Astronomie physique sur la connaissance de cette planète :

1o Les régions polaires se couvrent alternativement de neige suivant les saisons et suivant les variations dues à la forte excentricité de l’orbite ; ac-