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W.-H. DAWES.

remarqué et dessiné ce détroit dès l’année 1852, le pôle nord étant alors également tourné vers nous, mais quoique la planète ait été alors en excellentes conditions d’observation (ayant une déclinaison nord de 24°), je ne l’ai pas vu aussi distinctement avec l’instrument de 6 pouces 1/3 de Munich, dont je me servais alors, qu’à l’aide de mon 8 pouces actuel.

« Un autre objet intéressant a été l’ombre fourchue, dessinée notamment le 14 novembre ainsi que le 20 et le 12 (moins distinctement). Je l’avais souvent remarquée en 1852 sous la forme d’une baie ovale avec un rivage régulier et n’ai pas soupçonné une seule fois qu’elle pût être partagée ou irrégulière dans son contour, Mais, le 22 septembre 1862, j’ai constaté très nettement son aspect fourchu et il en a été de même pendant toute la durée de la dernière opposition. Cet aspect donnait l’impression de deux embouchures de fleuves très larges ; mais je n’ai jamais pu reconnaître ces fleuves. Les excellents dessins faits par M. Lockyer en 1862 montrent plusieurs fois cette baie, mais ne la montrent pas ainsi partagée en deux pointes. Il sera fort intéressant, dans les oppositions futures, de vérifier si cette forme est permanente ou variable, Il peut se faire que la mer se soit retirée de cette partie du rivage et ait laissé une langue de terre visible.

« Il est très difficile de noter avec certitude des variations dans l’aspect des différentes taches qui peuvent être dues à des causes atmosphériques dans la planète elle-même. Cette difficulté pourrait sans doute être diminuée si l’on prenait soin de comparer les vues télescopiques aux configurations déjà connues des régions observées ; mais il me paraît préférable de s’abstenir de toute référence et de toute idée préconçue, afin de faire des dessins absolument indépendants. L’atmosphère doit néanmoins jouer un certain rôle dans les causes de variations. Ainsi, pendant trois soirs consécutifs, les 20, 21 et 22 janvier, j’ai observé une tache très blanche se montrant exactement à la même place au point marqué a sur le dessin du 21 janvier. Cette tache blanche n’était certainement pas visible les 10 et 12 novembre. Cette tache donnait l’impression d’une énorme masse de neige et était aussi brillante que la tache polaire australe de 1862. Malheureusement, une série de nuits nuageuses m’empêcha de continuer ces observations.

» Rien ne me paraît mieux prouver que la teinte rouge de Mars n’est pas produite par l’atmosphère de la planète que ce fait que la coloration rougeâtre est toujours plus marquée vers le centre du disque, précisément où l’enveloppe atmosphérique est la plus mince. Vers les bords du disque, les taches grises sont presque entièrement effacées par la densité de l’atmosphère, et la couleur réfléchie de ses bords est blanche ou blanche verdâtre, cette dernière coloration étant peut-être un effet de contraste avec le rouge du centre.

» Le 1er décembre, quelques heures après l’opposition, j’ai obtenu quelques