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LA PLANÈTE MARS.

de la nôtre : il est si simple de suivre tranquillement l’ornière du passé. Cependant, dans le siècle même de Copernic, en 1590, 47 ans seulement après la mort du chanoine de Thorn, un opticien de Middelbourg, Zacharie Jansen, inventait, selon le témoignage de la plus ancienne autorité[1], la première lunette d’approche qui, perfectionnée seize ans plus tard par Hans Lippershey, autre opticien de la même ville, ne tardait pas à être dirigée vers le ciel. En effet, en 1609, sur les rapports qu’il avait reçus de Hollande relativement à cette invention, Galilée construisait la première lunette qui ait été dirigée sur le ciel et découvrait immédiatement (janvier 1610) les satellites de Jupiter, puis bientôt après les phases de Vénus, réalisant la prédiction de Copernic et apportant ainsi un témoignage direct à la vérité du nouveau système. Les premières observations publiées par Galilée sont celles des satellites de Jupiter, faites les 7, 8, 10, 12 et 13 janvier 1610.

Dès les années 1610, 1611, 1612, nous voyons les découvertes astronomiques se succéder rapidement, taches du Soleil, géographie et montagnes de la Lune, satellites de Jupiter, nature sidérale de la Voie lactée. Galilée, Kepler, Fontana, Scheiner, Rheita, inventent des lunettes, les perfectionnent et découvrent dans les mystères des cieux les réalités restées cachées jusqu’alors pour les yeux de l’habitant de la Terre.

La grandeur du disque lunaire, l’étendue des plus grosses taches solaires, le diamètre de Vénus, l’éclat des satellites de Jupiter, la richesse de la Voie lactée permettaient ces premières études, ces premières découvertes, à l’aide des primitives lunettes rudimentaires dont les grossissements étaient faibles.

  1. L’invention de la première lunette d’approche se perd un peu déjà dans l’inconnu. Il est certain qu’en 1609, Galilée s’était construit une lunette, puisque le 7 janvier 1610 il découvrait les satellites de Jupiter (nous avons publié le fac-similé de ses premiers dessins dans les Terres du Ciel, au chapitre des Satellites de Jupiter) ; il est certain également que, de 1606 à 1608, le nom de Lippershey était connu en Hollande comme fabricant de lunettes d’approche. Mais un ouvrage de Pierre Borel, médecin du roi, membre de l’Académie des Sciences, auteur du Discours prouvant la pluralité des Mondes dont nous avons parlé dans les Mondes imaginaires, établit en 1655, c’est-à-dire environ un demi-siècle seulement après l’invention, l’historique de cette découverte, affirme que le « premier inventeur » est Zacharias Jansen, dont il donne le portrait, et que le « second inventeur » est Hans Lipperhey (sic) dont il donne également le portrait. Cet ouvrage a pour titre De vero telescopii inventore (1655). Le chapitre XII de ce Traité, intitulé : « De inventoris vero nomine », discute spécialement les titres. L’auteur écrit le premier nom tantôt Zacharias Jansen, tantôt Zac. Joannides, et le second tantôt Lipperhey, tantôt Lipperseim. On latinisait tous les noms à cette époque, et souvent on les retraduisait du latin en français, en leur faisant subir de nouvelles métamorphoses. Ainsi, par exemple, Jean Müller prit le nom de sa ville natale, Kœnigsberg, qui veut dire montagne royale et s’appela Regiomontanus. Ce nom, traduit en français, a fait Dumontroyal.

    Quoi qu’il en soit, quels qu’aient été les premiers essais de l’optique, l’année 1609 est celle de la construction de la première lunette astronomique par Galilée, et l’observation du 7 janvier 1610 est la première de toutes, pratiquement parlant.