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LA PLANÈTE MARS.

de ces régions est si vif que par irradiation elles paraissent sortir du bord de la planète et cette illusion tend à exagérer le diamètre polaire.

Les dessins des hémisphères polaires faits par le P. Secchi ne s’accordent ni avec ceux de Beer et Mädler, ni avec ceux que nous aurons à étudier plus loin.

Parmi les nombreuses questions que suggère l’étude de la constitution physique de la planète, ajoute l’astronome romain, il ne semble pas que l’heure d’en donner la solution soit arrivée. On ne saurait, par exemple, décider si les taches bleues sont telles seulement par contraste ou en réalité. J’incline à croire que la coloration est réelle parce que j’ai pu observer de petites portions séparément au moyen d’un minuscule diaphragme ; cependant une observation faite de jour me les a montrées presque noires. L’autre question serait de décider si les régions obscures représentent de l’eau, les rougeâtres des continents, et les blanches des nuages, et il est également difficile d’y répondre : il faudrait d’abord reconnaître si ces taches sont permanentes ou variables. Si les taches blanches changent de formes, on pourrait les considérer comme des nuages ; sinon, on pourrait voir en elles des glaces ou des continents.

En faveur de l’opinion que les régions blanches sont des nuages, semble militer le fait que nous voyons quelquefois la grande tache du canal Atlantique comme couverte de cirri, tandis qu’en d’autres circonstances ce fait ne s’est pas présenté. Il faudra voir si ces aspects se reproduiront.

Les régions rougeâtres comme les bleuâtres semblent trop permanentes pour que l’on puisse douter de leur nature : il est probable que les premières sont solides et les secondes liquides. Le ton des premières n’est pas uniforme, mais marqueté « screziato » et comme rempli d’un pointillage sur la nature duquel nous n’avons aucune idée.

La comparaison de nos dessins avec ceux obtenus par Mädler, de 1830 à 1837, semble prouver l’existence de changements très notables. Toutefois, si nous réfléchissons à l’influence que peuvent exercer dans cet ordre d’observation la force des instruments et la qualité de l’atmosphère, nous devons suspendre notre jugement. Nous avons notamment été très surpris de ne pas retrouver la curieuse tache en forme de boule suspendue à un fil qui était alors si caractéristique, et il y a là une grande probabilité de changement ; mais peut-être était-ce la tache inférieure de notre isthme. Le grand canal, aujourd’hui si marqué et si fort, était-il invisible à cette époque ? Mais n’était-ce pas la grande tache marquée pn dans les dessins de cette époque ? Des recherches ultérieures résoudront ces énigmes[1].

Mars paraît certainement avoir une atmosphère. La clarté de son disque est beaucoup plus faible vers les bords qu’au centre ; de plus, la netteté des contours des configurations s’efface dans le voisinage des bords, ce qui semble démontrer qu’il y a là une atmosphère, mais très faible, et certainement beaucoup moins

  1. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que ces changements sont certains.