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LE P. A. SECCHI.
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9 pouces ou 0m,244 d’ouverture libre et de 4m,328 de distance focale, muni de grossissements de 300 et 400 fois.

Les heures les meilleures pour l’observation de Mars à Rome ont été celles du coucher du soleil jusqu’à deux ou trois heures après, et seulement dans les journées de beau temps fixe.

On observa sur la planète des taches de colorations très variées, rousses, bleues, jaunes et même, peut-être par contraste, verdâtres. Les dessins, avoue Secchi, ne peuvent pas donner une idée de ces teintes. La gravure sur cuivre ne peut les reproduire, et même les essais tentés en chromolithographie ne sont pas satisfaisants. Le pastel seul a réussi, et quarante dessins de ce genre sont conservés à l’observatoire du Collège romain[1]. On a remarqué que Mars paraissait moins rouge à l’œil nu lorsque, dans la lunette, on ne lui voyait aucune tache azurée notable. Cette remarque peut apporter quelque lumière sur l’origine de la variabilité des astres.

Le meilleur moyen de juger de la forme des taches observées n’est peut-être pas de les décrire, mais plutôt de les examiner directement sur les dessins. Les plus caractéristiques sont ceux des 13, 14, 15 et 16 juin, qui montrent une grande tache azurée, de la forme d’un triangle et que les observateurs désignent dans leur journal sous le nom de Scorpion. Elle rappelle en effet, la forme de cet animal et de cette constellation. Le P. Secchi l’appelle aussi canal Atlantique. Cette tache caractéristique n’est autre que notre fameuse mer du Sablier avec laquelle nous avons fait depuis longtemps connaissance. Mais traduisons ici littéralement les descriptions de l’auteur.

Ce canal Atlantique est vaste. Un autre canal[2], petit, et qui réunit entre elles deux taches plus larges, se voit sur les dessins des 3, 4, 5 et 7 juin : nous l’avons surnommé l’isthme. (Cet isthme, situé vers 140° à droite de la mer précédente, nous paraît être la mer étroite à laquelle nous avons donné le nom de Manche sur notre carte, au-dessous de la baie Christie, et que M. Schiaparelli appelle le Gange. Les trois baies doivent être : 1o la baie du Méridien ; 2o la baie Burton ou bouche de l’Indus ; 3o l’embouchure de la Manche).

Ces deux canaux, dit le P. Secchi, entourent une espèce de continent rougeâtre ; les deux canaux et le continent occupent environ 150° de longitude aréographique, le reste est couvert de taches indécises, très difficiles à reconnaître et à dessiner.

Les taches polaires sont environnées de contours cendrés et mal définis ; mais, entre le continent rougeâtre et la tache polaire supérieure, on voit une autre tache très blanche que l’on pourrait facilement confondre avec la calotte polaire. L’éclat

  1. Je les ai eus sous les yeux lors de mon séjour à Rome, en 1872.
  2. Cette désignation de canal qui revient dans toutes les descriptions de l’auteur nous paraît on ne peut plus mal choisie. La mer du Sablier, par exemple, ne correspond pas du tout à une désignation de ce genre.