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ARAGO.

ont voulu voir dans la coloration de Mars le résultat des modifications imprimées aux rayons de lumière par l’atmosphère dont la planète serait entourée.

Mais cette explication ne saurait être admise. En la supposant exacte, c’est sur les bords et dans les régions polaires que la coloration devrait atteindre son maximum, et c’est précisément le contraire qu’on observe.

On a remarqué que la couleur rouge de Mars paraît beaucoup plus intense à l’œil nu que dans une lunette ; en interrogeant mes souvenirs, il me semble qu’avec des lunettes la teinte s’affaiblit notablement quand le grossissement s’accroît.

Les taches permanentes de Mars ne sont jamais visibles jusqu’au bord de la planète. Ce bord paraît lumineux. Ces deux faits ont conduit à la conséquence que Mars est entouré d’une atmosphère. La prédominance d’éclat du bord oriental et du bord occidental a paru telle à quelques observateurs, qu’ils ont comparé ces deux bords à deux ménisques étroits et resplendissants entre lesquels serait enfermé le reste du disque comparativement obscur.

Quelques observateurs ont remarqué que les taches sombres présentent une légère teinte verdâtre, mais cette couleur n’a rien de réel. Elle est un phénomène de contraste, ainsi que cela se voit toutes les fois qu’un objet blanc et faible est placé à côté d’un autre objet fortement éclairé en rouge.

La disposition de taches permanentes de Mars près des bords de son disque, considérée comme un effet et comme une preuve de l’existence d’une atmosphère dont la planète serait entourée, mérite d’être développée ici.

Sans entrer dans le détail des principes de Photométrie qui pourraient trouver une application dans l’examen actuel, nous pouvons regarder comme un résultat d’observation que, lorsque la lumière solaire éclaire librement la partie matérielle d’un corps sphérique et raboteux, le bord et le centre de son disque apparent, vus de loin, ont à peu près la même intensité. Ce fait, nous le tirons de l’observation de la Lune dans son plein.

L’égalité en question n’aurait plus lieu si les rayons qui vont éclairer les bords et le centre de l’astre n’avaient pas le même éclat.

Les rayons solaires qui illuminent les bords de l’astre sont-ils plus faibles que les rayons qui frappent le centre, les bords paraîtront moins éclairés que le centre.

Or, si Mars est entouré d’une atmosphère imparfaitement diaphane, les rayons qui vont atteindre le bord de la planète doivent être plus faibles que les rayons aboutissant au centre, puisqu’ils ont eu à traverser une plus grande étendue de couches atmosphériques ; donc, par cette raison et même sans tenir compte de l’affaiblissement que la lumière éprouve en traversant une seconde fois les deux régions atmosphériques dont il vient d’être question, la partie solide ou liquide des régions voisines du bord doit être plus sombre que la partie solide ou liquide des régions centrales.

Il est une seconde cause qui, sans changer le résultat, peut en modifier notablement les conséquences optiques. En effet, dans la direction de chaque point