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LA PLANÈTE MARS.

latitude nord ; cependant aussi alors la noirceur et la netteté relatives des taches ne sont pas restées constamment les mêmes, et ce fut encore moins le cas en 1837 et 1839. Ainsi, quoique ces taches elles-mêmes ne paraissent pas être analogues à nos nuages, toutefois elles présentent certaines analogies optiques avec des condensations semblables à des nuages, car elles se montrent plus déterminées, plus précises et plus intenses dans leur été, et au contraire plus vagues, plus pales et plus confondues pendant leur hiver.

Quelquefois nous avons aperçu une coloration rougeâtre en certaines régions particulières du disque. Mars apparaît à l’œil nu comme l’étoile la plus rouge du ciel. Avec le télescope, cela ne se montre pas au même degré et la couleur générale est tout au plus un rouge jaunâtre ; la coloration de ces régions rappelle celle d’un beau crépuscule de notre Terre.

Si tout cela nous conduit déjà avec beaucoup de certitude à admettre pour Mars une atmosphère très sensible et semblable à celle de notre Terre, cela explique aussi en même temps la remarque que nous avons faite qu’en s’approchant des bords les taches apparaissent toujours fondues ou s’effacent entièrement ; l’éclat du bord, que nous avons souvent aperçu, paraît aussi provenir de procédés atmosphériques particuliers.

Au reste, il ne faut pas s’attendre à ce que l’atmosphère de Mars, lors de l’immersion d’une étoile fixe ou d’autres corps célestes, puisse être rendue sensible par la réfraction. Même aux époques où Mars est le plus rapproché de nous, une étendue de 20 lieues sur lui ne nous paraît que sous un angle de 0″,30 ; à une telle distance, la réfraction est entièrement insensible, lors même qu’elle serait à la surface considérablement plus forte que sur la Terre.

Les observations nous font admettre la plus grande variation, aussi bien pour la grandeur et la forme que pour l’intensité, dans la tache sombre voisine de la zone polaire boréale, et cela s’explique probablement d’une façon particulière. Si les taches polaires sont véritablement de la neige, leur diminution à l’approche l’été ne peut avoir lieu que par la fonte et l’évaporation continuelles ; l’épaisseur de cette neige est, selon toute vraisemblance, très considérable ; ces parties de la surface, se disposant à s’évaporer, doivent par conséquent être extrêmement humides : or un sol vaporeux et marécageux est certainement de toutes les parties d’une surface celle qui est la moins susceptible de réflexion et qui doit par conséquent nous paraître la plus foncée. Le maximum de cette noirceur doit arriver à l’époque où la fonte s’opère avec le plus de rapidité, c’est-à-dire, pour les hautes latitudes, entre l’équinoxe et le solstice d’été. Ainsi s’explique pourquoi la tache sombre, qui environne le pôle boréal, qui n’avait pas du tout été aperçue auparavant, se présenta en 1837 avec une intensité et une étendue si considérables et en 1839, au contraire, fut très pâle et au commencement très petite.

Ce n’est pas aller trop loin que de regarder Mars comme présentant une très grande ressemblance avec notre Terre, même sous le rapport physique, comme une image de la Terre telle qu’elle nous apparaîtrait au firmament, vue une grande distance (environ une distance double de celle où se présente la Lune