Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
BEER ET MÄDLER.

Cependant, écrivent les auteurs, ces observations, quoique peu nombreuses, nous ont paru suffisantes pour nous convaincre qu’aucune des taches bien visibles n’avait changé de position depuis 1830. Cela fut parfaitement évident pour les trois taches principales, en particulier pour la région pm, et pour la faible bande q. Cette dernière était du reste si rapprochée de la partie qui formait alors le bord austral, qu’on ne put l’apercevoir qu’avec beaucoup de difficulté, et celles qui étaient encore plus rapprochées des pôles, qui sont comprises dans les dessins de 1830, ne purent cette fois être aperçues, par des raisons faciles à concevoir. Le pôle austral n’était, en suivant les éléments d’Herschel, le 20 novembre, qu’à 10° en deçà du bord apparent, et ainsi la plus grande partie de la lumière, si éclatante en 1840, ne fut que très faible ; elle ne fut même aperçue que deux fois avec certitude (nov. 20, 9h, et nov. 23, 8h 14m) ; pendant toutes les autres soirées, elle resta incertaine ou n’apparut pas du tout. Sur l’hémisphère boréal, environ depuis 180° jusqu’à 230° de longitude et de 0° à 35° de latitude nord, se montra deux fois une bande faible, large et concave du côté de pm, mais son extrémité boréale seule fut distincte. Entre cette bande et pm apparaissaient souvent des lueurs rouges. En général, la lumière de l’hémisphère boréal, dans la partie qui ne contient pas de taches, ne paraissait pas être aussi pure et aussi uniforme que deux années auparavant. On ne voyait pas de trace de lumière blanche dans les environs du pôle boréal (ce pôle était encore caché à la vue).

Les oppositions de 1834-35 et 1837 furent également, comme les deux précédentes, très peu favorisées par les circonstances atmosphériques, et comme en outre l’éloignement de Mars atteignait alors son maximum (pour les oppositions), « les résultats de nos observations, écrivaient les auteurs, auraient été très insignifiants, si nous n’eussions pu avoir recours au grand télescope établi en 1835 à l’Observatoire royal. »

Cet instrument, dans toutes ses dimensions parfaitement égal à celui de Dorpat, permettait un grossissement au moins du double plus fort et fournit six fois plus de lumière que le nôtre ; un mécanisme très commode lui communique un mouvement par lequel, sans le concours de l’observateur, il suit le cours des planètes. Depuis le 12 janvier jusqu’au 22 mars, nous avons obtenu, pendant 15 nuits en partie sereines, 32 dessins qui toutefois ne nous ont fait particulièrement connaître que l’hémisphère boréal, et encore avec beaucoup moins de détails que nous en avions en 1830 pour l’hémisphère austral. Dans toutes les observations sans exception, la tache blanche du pôle boréal fut visible avec un degré de clarté que nous ne nous rappelons pas avoir jamais vu dans celle du pôle austral ; en même temps, elle était considérablement plus grande que celle de 1830 et apparut, surtout pendant les mois de janvier et février, tellement distincte des autres parties du globe, qu’au premier coup d’œil on n’aurait pu croire que la planète fût en cet endroit couverte par une autre planète.

La vraie grandeur de la tache du pôle austral, aux mois de février et de mars 1837,