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ANCIENNES OBSERVATIONS. — ARAGO.

a donné pour Jupiter un résultat si bien d’accord avec l’observation, on trouve pour cet aplatissement 1/230. Il y a là un grand désaccord avec la théorie. Arago fait remarquer que, pour expliquer le fait, il faudrait supposer la masse de Mars huit fois plus faible que celle qui est adoptée, ce qui est inadmissible. Il en parla à Laplace et celui-ci lui répondit que « des bouleversements locaux, analogues à ceux dont on voit les effets en diverses parties de la Terre, surtout dans les régions équatoriales, avaient pu avoir une plus grande influence sur la figure d’une petite planète que sur celle de Jupiter ou de notre globe. »

La diversité des résultats obtenus pour cet aplatissement est aussi très digne d’attention. À plusieurs points de vue, Mars paraît vraiment un monde à part. Son premier satellite tourne autour de lui beaucoup plus vite que la planète ne tourne elle-même, sa révolution s’effectuant en 7h 39m, tandis que la rotation du globe de Mars demande 24h 37m, La surface présente des variations énigmatiques. C’est un monde fort différent de celui que nous habitons. Nous arriverons sans doute, à la fin de cet ouvrage, à des conclusions tout à fait particulières.

Arago trouve pour le diamètre de Mars à la distance 1 (distance de la Terre au Soleil) : 9″,57.

Ses observations des taches ont commencé en 1813. La lunette dont il se servait était une lunette de Lerebours de 4 pouces (108mm) donnée par Napoléon à l’Observatoire : on l’appelait « la lunette de l’Empereur »[1]. C’était peut-être alors le meilleur instrument de l’Observatoire. Le progrès a marché : aujourd’hui, la plupart des étudiants du ciel sont à cette hauteur. Cette lunette était armée de grossissements de 150 et 200 fois.

L’observateur remarque qu’il a commencé par distinguer sur le disque de Mars d’abord une tache blanche indiquant le pôle supérieur ou austral, ensuite une tache sombre en forme de crochet (fig. 62, A). L’intervalle b paraissait plus petit que le tiers du disque de la planète : 16 juillet 1813.

Le 22 juillet, vers la même heure (minuit à 1h du matin), il observa de nouveau la planète. La fig. B a été prise à 1h 15m : « Je crois, écrit l’observateur, que l’intervalle c est un septième du disque ; je n’apercevais pas, il y a une heure, la portion verticale de la bande noire ». — Cette portion verticale n’est-elle pas la mer du Sablier ?

  1. En 1804, Napoléon, projetant de se rendre au camp de Boulogne, fit venir Delambre et lui demanda la meilleure lunette du Bureau des Longitudes, pour être pointée vers les côtes anglaises. — « Sire, répondit le fonctionnaire, nous pouvons vous donner la lunette de Dollond ; Votre Majesté ferait une chose agréable aux astronomes si elle voulait nous accorder en échange une excellente lunette de 4 pouces, que vient de construire M. Lerebours. — Elle est donc meilleure ? repartit l’Empereur. — Oui, Sire. — Eh bien alors ; je la prends pour moi ».

    Au retour du camp de Boulogne, Napoléon en fit don à l’Observatoire de Paris.