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LA PLANÈTE MARS.

sphérique, nous ne le pouvons pas, comme nous l’avons conclu plus haut à propos de Schrœter. Son hypothèse sur l’atmosphère de Mars n’est pas soutenable non plus : le disque se montre plus rouge dans sa région centrale que vers les bords ; donc ce n’est pas l’épaisseur de l’atmosphère qui cause cette coloration, puisque la lumière réfléchie par la planète a d’autant moins d’épaisseur atmosphérique à traverser que l’on observe plus près du centre.

En 1813, Flaugergues fit de nouvelles observations. Voici un extrait de son second mémoire.

J’ai observé Mars plusieurs fois aux environs de sa dernière opposition, ainsi que je le fais depuis plusieurs années, pour dessiner les taches de cette planète et noter les variations considérables et singulières qu’elles présentent. J’ai remarqué de plus cette année une tache blanche ovale, placée sur le pôle austral de Mars et si brillante qu’elle paraissait dépasser le disque. Cette tache fut surtout très brillante la nuit du 31 juillet, jour de l’opposition, elle a diminué de grandeur, beaucoup plus rapidement que si cette diminution eût été purement optique et seulement relative à l’augmentation progressive de la distance. Le 22 août, cette tache était à peine sensible et, quelques jours après, on ne la voyait plus. J’ai vu en 1798 une pareille tache blanche au pôle austral de Mars, mais elle avait beaucoup moins d’éclat.

Le printemps, pour la partie australe de Mars, avait commencé le 12 mars, et la déclinaison australe du Soleil, vue de la planète, était le 31 juillet de 21° 0′ ; par conséquent la tache ou la calotte blanche que j’ai observée était alors depuis plusieurs jours totalement et continuellement éclairée et échauffée par les rayons du Soleil, et elle l’a toujours été depuis, cet astre ne se couchant plus pour cette partie du globe de Mars, de sorte que si cette calotte était de glace ou de neige, semblable à la glace et à la neige de notre globe, comme tout porte à le penser, il n’est pas douteux qu’elle n’ait dû se fondre très rapidement,

On voit dans Mars de grandes taches irrégulières, variables et présentant les mêmes apparences que doivent offrir nos nuages et nos brouillards à un spectateur placé sur Mars. Les deux planètes ont leurs pôles entourés de calottes blanches qui diminuent lorsque le Soleil s’approche du pôle où elles sont placées, et qui, par cette circonstance, paraissent devoir être de la même nature, c’est-à-dire de neige ou de glace sur ce globe, comme sur la Terre.

Si cette conjecture était réelle, la fonte des glaces polaires de Mars est bien plus prompte et bien plus complète que celle des glaces terrestres, dont la majeure partie résiste aux chaleurs de l’été ; il paraît donc que la chaleur sur Mars est plus forte que sur la Terre, quoiqu’elle dût être plus faible dans le rapport de 43 à 100, si l’on avait égard seulement à la différente distance de ces deux planètes au Soleil ; c’est une raison de plus à ajouter à celles qui ont déterminé les plus habiles physiciens à penser que les rayons du Soleil ne sont pas chauds par eux mêmes, mais qu’ils sont seulement la cause occasionnelle de la chaleur. »