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PRÉFACE

le pied du Mont-Blanc), et que certaines vapeurs, notamment la vapeur d’eau, exercent une influence absorbante sur les rayons calorifiques bien supérieure à celle de certains gaz, tels que l’oxygène et l’azote, et l’on reconnaît que les conditions de la vie à la surface de Mars ne diffèrent pas essentiellement de celles de notre planète.

Dans la troisième période, les détails de l’aréographie sont de mieux en mieux distingués et étudiés, les mers, les lacs, les golfes, les détroits, les rivages sont dessinés, épiés, suivis avec soin, et l’on constate que les variations soupçonnées sont incontestables ; on découvre un réseau énigmatique de lignes foncées traversant tous les continents comme un canevas trigonométrique, on propose d’expliquer ces aspects par des variations dans le régime des eaux, on reconnaît en même temps que l’atmosphère est généralement plus pure que sur la Terre et que les nuages sont rares, surtout en été et vers les régions équatoriales. Les analogies avec la Terre s’accroissent à certains points de vue, tandis que des dissemblances inattendues se révèlent et se confirment.

Ces trois périodes forment donc les divisions naturelles de la première Partie du présent Ouvrage. La seconde Partie donnera les résultats à conclure de toute cette discussion.

Nous autres habitants de la Terre, accoutumés à juger des effets par les causes que nous avons sous les yeux et ne pouvant, d’ailleurs, imaginer l’inconnu, nous avons une difficulté extrême à expliquer les phénomènes étrangers à notre planète, et leur constatation seule nous plonge souvent dans le plus désespérant embarras. Nous observons, par exemple, sur Mars, des variations certaines et non médiocres dans l’étendue comme dans le ton de ses taches sombres, considérées comme mers. Il n’y a rien d’analogue sur la Terre, au moins comme proportions. Nous observons aussi sur cette planète toute une série de réseaux géométriques dont les lignes réticulées et croisées sous tous les angles ont reçu, non sans quelque analogie, le nom de canaux. Nous n’avons aucune comparaison non plus sur la Terre pour nous guider dans l’explication de ces aspects. Il s’agit ici véritablement d’un nouveau monde, incomparablement plus différent du nôtre que l’Amérique de Christophe Colomb n’était différente de l’Europe. Saurons-nous interpréter exactement les découvertes télescopiques ? Tous nos efforts doivent tendre à cette interprétation, sans aucune idée préconçue et avec la plus complète indépendance d’esprit.

Nous confronterons ici toutes les observations, et pour cela nous traduirons et résumerons les Mémoires en quelque langue qu’ils aient été écrits.

Il est bien évident que le seul moyen d’arriver à une connaissance un peu précise de l’état de cette planète est de comparer entre elles ces observations. La méthode historique s’imposait donc pour ainsi dire d’elle-même. Les lecteurs qui désireront acquérir une connaissance précise de la planète que nous allons étudier auront sous les yeux toutes les pièces du procès, tous les documents.