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LA FIN DU MONDE

les vaisseaux veineux, surtout ceux du cerveau, sont gorgés ; la substance cérébrale est piquetée ; la langue, à sa base, la gorge, la trachée-artère, les bronches sont rougies par le sang, et bientôt le cadavre tout entier présente une coloration violacée caractéristique provenant de cette suspension de l’hématose.

« Mais, messieurs, ce ne sont pas seulement les propriétés délétères de l’oxyde de carbone qui sont à redouter : la seule tendance de ce gaz à absorber l’oxygène suffirait déjà pour amener des conséquences funestes. Supprimez, que dis-je ? diminuez seulement l’oxygène, et vous amenez l’extinction du genre humain. Tout le monde connaît ici l’une des innombrables histoires qui marquent les époques de barbarie où les hommes s’entre-assassinaient légalement sous prétexte de gloire et de patriotisme ; c’est un simple épisode de l’une des guerres des Anglais dans les Indes. Permettez-moi de vous le rappeler.

« Cent quarante-six prisonniers avaient été enfermés dans une pièce qui n’avait d’autre ouverture que deux petites fenêtres prenant jour sur une galerie. Le premier effet qu’éprouvèrent ces malheureux fut une sueur abondante et continuelle, suivie d’une soif insupportable et bientôt d’une grande difficulté dans la respiration. Ils essayèrent divers moyens pour être moins à l’étroit et se procurer de l’air ; ils enlevèrent leurs vêtements, agitèrent l’air avec leurs chapeaux, et prirent enfin le