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LA FIN DU MONDE

elle avait été abandonnée au sein des solitudes. C’était le seul monument des premiers âges de l’humanité qui subsistât, et il le devait à la stabilité de sa forme géométrique.

« Reposons-nous, restons ici, dit Eva, s’abandonnant, souriante et plaintive. Puisque nous sommes condamnés à mort — et d’ailleurs qui ne l’a pas été ? — je veux mourir en repos dans tes bras. »

Ils cherchèrent une anfractuosité dans les ruines et s’assirent l’un près de l’autre en face de l’immense solitude. La jeune femme se blottissait fiévreusement, en serrant son époux dans ses bras, essayant encore de lutter par son énergie contre l’envahissement du froid qui la pénétrait. Lui l’avait attirée sur son cœur et la réchauffait de ses baisers.

« Je t’aime, et je meurs, fit-elle. Mais non, tu l’as dit, nous ne mourrons pas. Vois-tu l’étoile qui nous appelle ! »

Au même moment, ils entendirent derrière eux, sortant du tombeau de Khéops, un bruit léger, rappelant celui du vent dans les feuilles. Frémissants, ils se tournèrent d’un même mouvement vers le côté d’où venait le bruit. Une ombre blanche, qui semblait lumineuse par elle-même, car la nuit était déjà sombre, et il n’y avait pas de clair de lune, glissait plutôt qu’elle ne marchait, s’approchant d’eux. Elle vint s’arrêter devant leurs yeux effrayés et stupéfaits.