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LA FIN DU MONDE

sentiment général de l’humanité, et la sauvagerie internationale fit place à une fédération intelligente.

Des institutions militaires il ne resta que la musique, la seule fantaisie agréable qui eût été associée au militarisme, et que l’on se garda bien de faire disparaître. Des milices spéciales furent conservées, uniquement pour entretenir ce genre martial d’harmonie, si gai, si brillant, si ensoleillé. Dans la suite des temps, on n’arriva jamais à comprendre que cette musique eût été inventée pour conduire des troupeaux à l’abattoir.

Délivrée du boulet de l’esclavage militaire, l’Europe s’était immédiatement ensuite affranchie du fonctionnarisme qui avait, d’autre part, épuisé les nations, paraissant condamnées à périr de pléthore ; mais il avait fallu pour cela une révolution radicale. Les parasites du budget se virent inexorablement éliminés. Dès lors, l’Europe s’était rapidement élevée en un radieux essor, dans un merveilleux progrès social, scientifique, artistique et industriel.

On respirait enfin librement ; on vivait. Pour arriver à payer 700 milliards par siècle aux citoyens détournés de tout travail productif et pour subvenir aux exigences du fonctionnarisme, les gouvernements s’étaient vus conduits à amonceler les impôts à des charges horripilantes. On avait fini par tout imposer : l’air que l’on respire, l’eau des sources et des pluies, la lumière et la chaleur du soleil ; le pain, le vin, tous les objets de consommation ; les vêtements jusqu’à la chemise ; les