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LA FIN DU MONDE

Tout l’horizon, en effet, semblait allumé maintenant d’une couronne de flammes bleuâtres. C’était bien, comme on l’avait prévu, l’oxyde de carbone qui brûlait à l’air en produisant de l’anhydride carbonique. Sans doute aussi, de l’hydrogène cométaire s’y combinait-il lentement. Chacun croyait voir un feu funèbre autour d’un catafalque.

Soudain, comme l’Humanité terrifiée regardait, immobile, silencieuse, retenant son souffle, pénétrée jusqu’aux moelles, cataleptisée par la terreur, toute la voûte du ciel sembla se déchirer du haut en bas, et, par l’ouverture béante, on crut voir une gueule énorme vomissant des gerbes de flammes vertes, éclatantes ; et l’on fut frappé d’un éblouissement si effroyable que tous les spectateurs, sans exception, qui ne s’étaient pas encore enfermés dans les caves, hommes, femmes, vieillards, enfants, les plus énergiques comme les plus timorés, tous se précipitèrent vers la première porte venue, et descendirent comme des avalanches dans les sous-sols, déjà presque tous envahis. Il y eut une multitude de morts, par écrasement d’abord, ensuite par apoplexies, ruptures d’anévrismes et folies subites dégénérées en fièvres cérébrales. La Raison sembla subitement anéantie chez les hommes, et remplacée par la Stupeur, folle, inconsciente, résignée, muette.

Seuls, quelques couples enlacés semblaient s’isoler du cataclysme, se détacher de l’universelle