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LA FIN DU MONDE

allaient se rencontrer, comme deux trains lancés l’un vers l’autre au fantastique et aveugle galop de la vapeur, et qui vont à corps perdu s’effondrer et se broyer dans le choc monstrueux de deux rages inassouvies. Mais ici la vitesse de la rencontre devait être 863 fois supérieure à celle de la rencontre de deux trains rapides lancés l’un sur l’autre à la vitesse de cent kilomètres à l’heure chacun.

Dans la nuit du 12 au 13 juillet, la comète se développa sur presque toute l’étendue des cieux, et l’on distinguait à l’œil nu des tourbillons de feu roulant autour d’un axe oblique à la verticale. Il semblait que ce fût là toute une armée de météores en conflagrations désordonnées dans lesquelles l’électricité et les éclairs devaient livrer de fantastiques combats. L’astre flamboyant paraissait tourner sur lui-même et s’agiter intestinement comme s’il eût été doué d’une vie propre et tourmenté de douleurs. D’immenses jets de feu s’élançaient de divers foyers, les uns verdâtres, d’autres d’un rouge sang, les plus brillants éblouissant tous les yeux par leur éclatante blancheur. Il était évident que l’illumination solaire agissait sur le tourbillon de vapeurs, décomposant sans doute certains corps, produisant des mélanges détonants, électrisant les parties les plus proches, repoussant des fumées au delà de la tête immense qui arrivait sur nous ; mais l’astre lui-même émettait des feux bien différents de la réflexion vaporeuse de la lumière solaire, et lançait des flammes toujours grandis-