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LE CONCILE DU VATICAN

croissement séculaire de la population terrestre. Vous pouvez me répondre que les chrétiens seuls ressusciteront ! Alors, que deviendront les autres ? Deux poids et deux mesures ! La mort et la vie ! La nuit et le jour ! Le noir et le blanc ! L’injustice divine et le bon plaisir régnant sur la création ! Mais non, vous n’acceptez pas cette solution. La loi éternelle est la même pour tous. Eh bien ! ces milliers de milliards de ressuscités, où les mettez-vous ? Montrez-moi la vallée de Josaphat assez vaste pour les contenir. Vous les répandez tout autour du globe ? Vous supprimez les océans et les glaces des pôles ? Vous enveloppez la Terre d’une forêt de corps humains ? Soit ! Comment ceux des antipodes verront-ils l’Homme-Dieu ? Il fera le tour du monde ! Je le veux bien. Et après ? Que va devenir cette immense population ? Vous transportez les élus au ciel et les damnés en enfer ? Où ?… Difficultés sur difficultés, absurdités sur absurdités. Non, mes révérendissimes Pères, nos croyances ne doivent pas, ne peuvent pas être prises à la lettre. Je voudrais qu’ici il n’y eût plus de théologiens aux yeux fermés qui regardent en dedans, mais des astronomes aux yeux ouverts qui regardent au dehors ! »

Ces paroles n’avaient été prononcées qu’au milieu d’un tumulte indescriptible ; plusieurs fois on avait voulu interdire la parole à l’évêque croate, montré du poing et traité de schismatique ; mais les règlements mêmes du concile