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telles idées sont antiscientifiques, et, révérendissimes Pères, vous n’ignorez pas plus que moi qu’il faut maintenant être d’accord avec la science, qui a cessé d’être, comme au temps de Galilée, l’humble servante de la théologie : Theologiæ humilis ancilla. Les corps ne peuvent pas être reconstitués, même par un miracle, attendu que leurs molécules retournent à la nature et appartiennent successivement à des quantités d’êtres, végétaux, animaux et humains. Nous sommes formés de la poussière des morts, et, dans l’avenir, les molécules d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, de carbone, de phosphore, de soufre ou de fer, qui constituent vos chairs et vos os, seront incorporées en d’autres, organismes humains ou brutes. C’est un échange perpétuel, même pendant la vie. Il meurt un être humain par seconde, soit plus de quatre-vingt-six mille par jour, plus de trente millions par an, plus de trois milliards par siècle. Cent siècles — et ce n’est pas énorme dans l’histoire d’une planète — cent siècles seulement donneraient trois cents milliards de ressuscités. L’humanité terrestre ne vécût-elle que cent mille ans — et nul n’ignore ici que les périodes géologiques et astronomiques se chiffrent par millions d’années — qu’elle devrait jeter dans la plaine du Jugement quelque chose comme trois mille milliards d’hommes, de femmes et d’enfants ressuscités. Et mon évaluation est on ne peut plus modeste puisque je ne tiens pas compte de l’ac-