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l’ennemi avait coupée dans le combat de la veille, se réfugiait à Strasbourg. Les soldats arrivaient un à un, puis par groupes, par bandes de dix, vingt, trente hommes ; parmi eux beaucoup de blessés ; ceux-ci s’appuyaient sur un bâton, sur un fusil brisé, ou étaient couchés dans les voitures et les fourgons du train ; les cavaliers, les cuirassiers surtout, avaient perdu leurs armes, étaient nu-tête, couverts de boue, accablés de fatigue ; les turcos, mornes et courbés, se traînaient avec peine ; les officiers, bien peu nombreux, hélas ! appuyés sur le bras des soldats, semblaient profondément abattus. Une foule énorme se pressait dans les rues et formait une haie silencieuse au long cortége des vaincus de la veille, qui passèrent la journée tout entière par la ville comme un immense convoi de deuil. La nuit tombait et le triste défilé continuait toujours. Le lendemain il durait encore.

Un épisode entre cent de ces deux jours mémorables : Sur la place Kléber débouchent une quarantaine de turcos, glorieusement sales, déchirés, les uns couverts de sang. L’un d’eux porte le drapeau du régiment et un cri d’enthousiasme part de toutes les bouches. Vive la France ! crient des milliers d’assistants, et les acclamations redoublent lorsque le colonel Ducasse, commandant de la place, prend le drapeau et le montre à la foule du haut du balcon de l’état-major.

Au plus fort de la bataille de Frœschwiller, au moment où les turcos tombaient fauchés par la mitraille, le colonel du 2e régiment de tirailleurs algériens, passant devant quelques-uns de ses hommes encore debout, aperçut, presque seuls, le sous-lieutenant Vallès, porte-drapeau, le sous-lieutenant Pantoux et le sergent Abd-el-Kader-Ben-