Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pagne et comme tout le monde, il dût sentir combien les influences des idées reçues pesaient dans la balance. On sent, de là, le dévouement qu’il dut mettre à soutenir une nouvelle thèse dont la démonstration tend positivement à ruiner cette même tradition religieuse si puissante sur les esprits. En somme, le polygénisme, dans ses bases scientifiques et doctrinales, n’est que le développement de l’hétérogénie, reconnaissant ensemble la spontanéité de la nature, douée d’une énergie créatrice qui lui est propre. Cette natura naturans dont la force inhérente, également active sur tous les points du globe, a bien pu transformer certains matériaux en ovules spontanés, tels que les monères d’Hæckel, serait-elle impuissante à produire des êtres humains en plus d’un endroit ? Si l’on admet la multiplicité des centres d’apparition du bathybius, pourquoi n’admettrait-on pas le même phénomène pour l’homme, quelle que soit la restriction que l’on voudrait y fixer. Voilà, croyons-nous, ce qui explique l’adhésion de M. Georges Pouchet au polygénisme. À cette hauteur, la théorie scientifique devient assez belle pour tenter un esprit ambitieux.

Mais peut-on également faire l’examen psychologique des motifs qui ont conduit le savant Broca à militer avec tant d’ardeur à la tête de l’école polygénique, répandant, même au milieu de ses erreurs doctrinales, de vrais traits de lumière sur l’anatomie comparée et la physiologie générale où il était surtout un maître de premier ordre ? C’est ce que nous allons essayer.

Le docteur Broca était une des plus grandes intelligences qu’on puisse rencontrer. Jamais la chaire professorale ne fut mieux occupée que lorsque le savant physiologiste régalait le public parisien de ces belles leçons où l’esprit d’investigation se manifestait avec un éclat d’autant plus brillant qu’il était soutenu par une raison toujours sûre,