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pation indigne du citoyen ; mais pouvait-il en être de même dans cette civilisation des Yankees, où tous les grands millionnaires qui ont escaladé la fortune, en faisant œuvre de leurs dix doigts, sont considérés comme les plus dignes, les plus méritants ? Les mœurs de l’usine pouvaient-elles s’adapter aux mœurs de l’agora ? Des voix s’élevèrent pour dénoncer cet état de choses illogique et protester contre le système de l’exploitation de l’homme par l’homme. C’étaient les échos des aspirations généreuses des Wilberforce et des Macaulay, en Angleterre, des Grégoire et des Broglie, en France. Un Wendell Phillips ou un John Brown, suivis d’une foule de penseurs et d’hommes d’action fanatisés par la grandeur de l’idée, se donneront sans réserve, jusqu’à la mort, pour le triomphe de la bonne cause. Mais croit-on que les égoïstes possesseurs d’esclaves vont se laisser faire ? Contre les abolitionnistes les Sudistes dressèrent leur drapeau. Avant de se mesurer sur les champs de bataille, on se disputa dans la presse, dans la science. Partout, le débat prit un caractère aigu, passionné. On s’attaqua à outrance. Tous les arguments qui dormaient dans les cerveaux paisibles se réveillèrent dans un tumulte indescriptible. Les théories des Morton, des Nott, des Gliddon, se choquèrent contre celles des Prichard et des Tiedemann. Les nègres sont-ils de la même nature que les blancs, c’est-à-dire présentent-ils, nonobstant la couleur, la même conformation organique, les mêmes aptitudes intellectuelles et morales ? Tel était le fond de ces discussions. Les esclavagistes, se rabattant sur les doctrines polygénistes qu’ils n’eurent pas beaucoup de peine à adapter à leur système immoral, déclarèrent que les nègres étaient d’une autre espèce que les blancs et ne pouvaient être considérés comme leurs semblables. Toute solidarité naturelle étant ainsi rompue entre l’Éthiopien enchaîné et le fier Cauca-