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est vrai, naturel, et dans le style moderniste, on aurait dit « vécu ». C’est la réalité peinte au vif, belle parce que vraie. Mais ce qui captive surtout mon esprit, c’est la façon claire, précise et fine, dont le poëte des Métamorphoses montre que la couleur noire ne constitue aucune infériorité, ni aucune défaveur contre celui qui la porte. Peut-on demander une meilleure preuve des sentiments dont les anciens étaient inspirés à l’égard des distinctions de races ? N’y a-t-il pas lieu de s’étonner qu’avec sa profonde et sérieuse érudition, M. de Gobineau n’ait pas pensé à cet épisode des Fastes d’Ovide, lorsqu’il affirmait que de tout temps l’inégalité des races a été préconisée comme une vérité naturelle ?

Les mythologies ne sont que l’ensemble des opinions morales, religieuses et sociales des peuples qui les ont imaginées. C’est à ce point de vue que l’étude des mythes et des légendes de chaque peuple, de chaque race, est devenue d’une importance si remarquable dans les recherches de la sociologie et même de l’ethnographie. On a donc tout le droit de voir dans le mythe d’Ariadne et de Bacchus la preuve évidente que, dans la civilisation antique, il n’y avait aucune classification systématique, divisant les races humaines en supérieures et inférieures, division aussi absurde que pénible.

Bacon, ayant un esprit souvent superficiel[1], malgré la grande réputation qu’il s’est acquise dans le monde philosophique par son Novum organum, n’a pas dû saisir le sens profond que renferme le mythe d’Ariadne. Il en fait la critique avec un esprit étroit ; il tire une morale gauche et embarrassée là où il fallait voir tout autre chose que ce qu’il imagine. « Mais ce qu’il y a de plus

  1. Bacon showed his inferior aptitude for physical research in rejecting the Copernican doctrine which William Gilbert adopted. (Whewell, Philos. of the inductive Sciences, t. II, p. 378).