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races ; mais un barbare de la Sarmatie ou de la Gothie n’était pas mieux vu. Ce n’est pas que l’on ne fît jamais attention à la couleur. Alors, comme aujourd’hui, une peau bien blanche était regardée comme un agrément naturel, un signe de distinction qui ajoutait à la beauté un prix nouveau. Virgile nous en offre encore un exemple dans ce bel Alexis très fier de sa personne, mais à qui Corydon fait ainsi la leçon :

O formose puer, nimium ne crede colori !
Alba ligustra cadunt et vaccinia nigra, leguntur[1].

Cependant malgré tous les motifs qui pourraient porter les anciens Grecs et les anciens Romains, censés moins humains que les modernes, à voir dans les hommes noirs des êtres méprisables et naturellement inférieurs aux blancs, en vertu d’une imperfection générique, inéluctable, ils ont toujours professé une opinion toute contraire. C’est une remarque facile à faire. Toutes les fois que dans la littérature grecque ou latine, il est question de l’Éthiopien ou de la couleur plus ou moins noire de la peau humaine, on ne rencontre aucune de ces expressions humiliantes, aucune de ces idées de mépris dont la littérature chrétienne de l’Europe moderne nous offre si souvent l’exemple.

À commencer par le père de la poésie grecque, le divin Homère, aperçoit-ou dans ses poèmes aucune trace de dédain, quand il parle de la race noire ? Peut-on inférer, soit de ses expressions, soit de ses épisodes, qu’il attachait un caractère d’infériorité à la race éthiopienne ? Non-seulement il n’en dit aucun mal, mais il en exprime souvent une vénération toute particulière. On peut citer, entre autres passages de l’Iliade, celui où Homère dit que les Éthiopiens étaient renommés par leur justice.

  1. Virgile, Églogue II, v. 17-19.