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François Lenormant, maudit son fils ’Ham pour lui avoir manqué de respect dans son ivresse et pour avoir tourné en dérision la nudité paternelle. « Tu seras le serviteur de Schem et de Yapheth », lui avait-il dit. Cette malédiction s’accomplit dans sa plénitude[1] !…

N’est-ce pas visiblement la source de l’opinion vulgaire, d’après laquelle on continue à voir dans les noirs une race inférieure « faite pour servir aux grandes choses voulues et conçues par le blanc ? » M. Renan, en écrivant ces paroles a-t-il fait autre chose que de céder à une vague réminiscence de son éducation théologique ? Qui contestera les déductions qu’on peut tirer en démontrant la concordance qu’il y a entre l’opinion de tous ceux qui soutiennent la doctrine de l’inégalité des races avec cette vieille tradition biblique, si bien confinée dans un coin du cerveau européen ? Tous ceux qui répètent que les noirs sont inférieurs aux blancs ne font donc qu’offrir une preuve patente de l’influence qu’exerce encore sur eux l’héritage intellectuel et moral d’un autre âge. Leurs esprits sont comme rivés aux erreurs qui constituaient le fonds commun des croyances de leurs leurs ancêtres ; et ils en fournissent involontairement l’exemple.

Vers la fin du XVIIIe siècle, tout ce qui contrariait la marche des choses était mis au compte des philosophes. Avait-on commis une erreur ou causé un désordre ? c’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau, disaient les gens d’Église. C’étaient les derniers efforts de l’esprit théologique, voulant barrer la voie à l’encyclopédie et défier la conjuration voltairienne qui prêchait si obstinément l’écrasement de l’infâme. Aujourd’hui les choses sont bien changées. Les idées révolutionnaires ont fait de tels progrès dans les esprits, que c’est la théologie qui est devenue la

  1. Fr. Lenormant, Hist. anc. de l’Orient, t. I. (9e édition), p. 279.