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inspirer les meilleurs peintres et les plus grands poètes.

Dans le salon de peinture du Louvre, après avoir traversé le musée de la Marine, on arrive à une salle supplémentaire, où la meilleure toile et la plus belle est peut-être un tableau du peintre Ary Scheffer, fait en 1856 et représentant la Tentation du Christ. Le célèbre artiste, obéissant à la grande légende du moyen âge perpétuée jusqu’à nos jours, fait du diable un nègre et de Jésus un blanc !

Victor Hugo, le poète le plus sympathique, le cœur le moins disposé à la haine ou au mépris de l’homme d’une race quelconque, n’a pu s’empêcher de sacrifier à cette fiction populaire. Dans une de ces poésies apocalyptiques et pleines d’une sombre grandeur, dont la muse de la Légende des siècles connaît seule le secret, Hugo met en scène les deux principes, celui du bien et celui du mal. C’est un dialogue superbe et dramatique au plus haut point !

Les acteurs sont, d’une part, Zénith placé dans les hauteurs culminantes, dominant le monde qu’il éclaire de son rayonnement moral et auquel il ouvre les sentiers de l’idéal ; de l’autre, Nadir rivé en bas, dans les ornières infectes, ne concevant que ce qui est abject et vil, génie de l’ombre et de l’opprobre. Eh bien, Nadir, c’est le nègre : y d’où il faut conclure, pour compléter l’antithèse chère au poète des Contemplations, que Zénith est le blanc.

Celui-ci dit :

« Pudeur ! le lis t’adore et le ramier candide
T’aime et l’aube te rit, virginité splendide,
Neige ou se posera le pied blanc de l’amour ! »

À quoi Nadir répond :

À bas la vierge ! à bas le lis ! à bas le jour !
Toute blancheur est fade et bête.