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Cette image du diable transformé en nègre aux cheveux crépus, aux yeux rouges, aux narines ouvertes comme des forges qui lancent des flammes, à la bouche énorme, est devenue la physionomie même sous laquelle tous les gens du peuple, en Europe, se figurent encore les hommes de race éthiopienne. Aussi quand ils voient un Noir avec des traits plus ou moins réguliers, ils le regardent avec une curiosité qui frise la naïveté ou l’ignorance. Pour eux, le nègre a hérité de la couleur du diable ; or, son prototype a été présenté à tout le moyen age sous les formes les plus hideuses tant par la peinture que par la sculpture :

Si horrible et si lez
Que très tous cels qui le veaient
Sur leur serement affirmoieht
C’onques mès laide figure
Ne en taille, ne en peincture
N’avoient à nul jour veue[1].

Mais ce qui caractérisait surtout le diable traditionnel, c’était sa couleur noire. Cela se rattache encore à l’observation que nous avons faite de l’impression profonde que produit sur l’esprit du vulgaire et même des gens instruits qui n’y sont pas habitués la différence tranchée qui existe entre le Caucasien et le Nigritien, eu égard à la couleur du visage. Aussi, toutes les fois qu’on voulait comparer la noirceur d’un objet, choisissait-on la couleur du diable !

Li fust (bois) était et li fer
Plus noirs que diable d’enfer.

dit le Roman de la Rose[2].

Cette tradition eut la plus malheureuse influence sur l’esprit des Européens. La guerre des Croisades ne fit que

  1. Fabliaux de Méon, t. I, p. 414.
  2. Méon, Roman de la Rose, t. II, P. 961.