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matériellement. C’est par cette tendance que s’infiltrent goutte à goutte, dans toute religion, des légendes burlesques, voire des superstitions. Elles finissent par s’y adapter tellement bien qu’on ne peut les séparer, sans retirer à cette religion qu’on veut épurer ce qui fait sa principale force ou son principal attrait aux yeux de la multitude.

Bien entendu, il s’agit du commun des fidèles ; car pour ceux qui, doués d’une sensibilité exquise, sont ineffablement imprégnés des effluves de la grâce et ne vivent que de la vision des choses célestes, ils trouvent tout leur bonheur à s’abîmer en Dieu, sans érailler leur esprit aux angles de la contingence. C’est à l’aide de cette contemplation perpétuelle des vérités divines que l’âme se purifie et se transforme. Aussi les théologiens la définissent-ils en des termes quintescenciés et troublants. C’est « une vue de Dieu ou des choses divines, simple, pénétrante, certaine, qui procède de l’amour et tend à l’amour. » Mais il n’est point question ici de cet état de grâce à la fois prévenante et efficace. Toutes ces subtilités solennelles et fort respectables n’ont jamais effleuré la tête du vulgaire, lequel laisse aux Saint Anselme, aux Saint Thomas d’Aquin et aux Sainte Thérèse le soin de dogmatiser et d’expérimenter dans la science par excellence, scientia Dei, hominis et mundi.

Pour la foule, il faut des emblèmes qu’on peut voir et toucher. Dans tout ce qu’on lui prêche ou qu’on lui explique, il lui faut aboutir à cette matérialisation de l’idée ou tomber dans la plus complète indifférence. De là, l’universalité de l’anthropomorphisme dans tous les systèmes religieux. C’est l’action de l’homme rapetissant instinctivement la divinité à des proportions humaines, pour en mieux saisir le concept. Les faiseurs de religions, qui sont toujours de fins politiques, ne le savent que trop ; et leurs ministres suivent imperturbablement les mêmes procédés. Dans