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d’une haute situation pécuniaire et le plus haut grade militaire qu’on pouvait avoir dans l’armée du roi. Ces propositions furent repoussées avec une indignation d’autant plus respectable et imposante que la contenance des deux chefs fut aussi calme que digne et ferme. Les démarches furent dirigées sous l’inspiration et d’après les conseils de Malouet. Ces faits ne sont-ils pas de nature à augmenter considérablement les droits de la petite république au respect universel ?

Oui, dans ces temps difficiles, Haïti avait fait preuve d’un tel bon sens, d’une telle intelligence dans ses actes politiques, que tous les hommes de cœur, émerveillés d’un si bel exemple, ne purent s’empêcher de revenir sur les sottes préventions qu’on avait toujours nourries contre les aptitudes morales et intellectuelles des noirs. « Dans une seule Antille encore, dit Bory de Saint-Vincent, faisant allusion à Haïti, on voit de ces hommes réputés inférieurs par l’intellect, donner plus de preuves de raison qu’il n’en existe dans toute la péninsule Ibérique et l’Italie ensemble[1]. »

L’expérience la meilleure, l’observation la plus précise était donc faite d’une manière irréfutable. Les hommes d’État les plus intelligents, réunis aux philanthropes européens, comprirent que l’esclavage des Noirs était à jamais condamné ; car l’excuse spécieuse qu’on lui avait longtemps trouvée, en décrétant l’incapacité native de l’homme éthiopique à se conduire comme personne libre, recevait par l’existence de la république noire la plus accablante protestation. Macaulay, en Angleterre, et le duc de Broglie, en France, se mirent à la tête d’une nouvelle ligue d’anti-esclavagistes. En 1831, un homme de couleur, libre, occupant une position sociale à la Jamaïque, Richard Hill,

  1. Bory de Saint-Vincent, loco citato, t. II, p. 63.