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nous dépossédons les races inférieures, toutes les fois que nous avons besoin de leurs territoires, on peut répondre que, du moins, nous ne massacrons que ceux qu’il est nécessaire de massacrer et laissons vivre ceux qui se soumettent[1]. »

Il est curieux de constater à quelle conséquence la doctrine de l’inégalité des races a pu amener l’esprit le mieux fait, l’intelligence la mieux équilibrée ; mais c’est une nouvelle preuve de la puissance de la logique. On ne s’en écarte, dans la science comme en tout, que pour tomber dans les erreurs les plus grossières, les théories les plus insensées !

L’Asie, avec des peuples en possession d’une civilisation mille fois séculaire, mais vieillie et décrépite dans une stagnation malheureuse, ne tente pas moins les convoitises de la race caucasique. Là aussi, elle se croit appelée à tout régénérer ; non par un commerce régulier, non par un échange d’idées et de bons procédés qui profiteraient admirablement aux fils de l’extrême Orient, mais en s’imposant, comme des maîtres, de vrais dominateurs. Pour encourager l’esprit public dans l’acceptation et l’exécution de ces entreprises lointaines et chanceuses, n’y a-t-il pas la théorie de l’inégalité des races ? N’est-ce pas la destinée des peuples blancs de gouverner le monde entier ? Toute l’Europe n’est-elle pas devenue héritière des grandes destinées de Rome ?…

Tu regere imperio populos, Romane, memento !

Aussi combien enchevêtrée ne se trouve pas la politique européenne dans toutes ces convoitises sur l’Asie et l’Afrique, que le langage parlementaire a décorées du nom élégant de question d’Orient ! C’est la civilisation occidentale qui agit, mais tous ses efforts sont tournés vers le monde oriental. Chaque incident qui se produit en Asie ou

  1. Herbert Spencer, Les bases de la morale évolutionniste, p. 206.