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qu’un patriotisme étroit qui voudrait fausser le verdict de l’histoire ! Sa voix fut aussi grande que celle de la conscience universelle. Entraîné par cette admiration enthousiaste à laquelle résistent difficilement les âmes généreuses, toutes les fois qu’elles se trouvent en présence d’un rare génie, il a mis Toussaint-Louverture à la place que les siècles futurs, de plus en plus éclairés, lui consacreront à jamais. Sans doute, le grand orateur s’illusionnait, quand il reculait, à cinquante ans seulement de l’époque où il parlait, cette grande et définitive restauration de la vérité dont il a commencé l’œuvre en faveur de la mémoire du général noir ; mais qu’il faille doubler ou tripler le délai, sa prédiction doit infailliblement se réaliser. Laissons-le parler.

« Vous me prendrez sans doute ce soir pour un fanatique, dit-il, parce que vous lisez l’histoire moins avec vos yeux qu’avec vos préjugés ; mais dans cinquante ans, lorsque la vérité se fera entendre, la Muse de l’histoire choisira Phocion pour les Grecs, Brutus pour les Romains, Hampden pour l’Angleterre, Lafayette pour la France, elle prendra Washington comme la fleur la plus éclatante et la plus pure de notre civilisation naissante et John Brown, comme le fruit parfait de notre maturité (Tonnerre d’applaudissements) ; et alors, plongeant sa plume dans les rayons du soleil, elle écrira sur le ciel clair et bleu, au dessus d’eux tous, le nom du soldat, de l’homme d’État, du martyr Toussaint-Louverture ! (Applaudissements longtemps prolongés). »

Après un quart de siècle, il me semble entendre ces applaudissements se prolonger encore. Ils retentissent dans mon cœur et réconfortent ma foi dans l’avenir de ma race, de la race noire dont la gloire incomparable, éternelle, est d’avoir produit un tel homme, là où tant d’autres races n’auraient offert qu’une brute à face humaine. Oui, ému