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son prestige, tâchaient de l’atténuer en diminuant son ascendant et son autorité sur l’armée et le peuple. Des hommes comme Sonthonax, Polvérel et plusieurs autres commissaires français furent expédiés à Saint-Domingue. La plupart avaient fait preuve de grande capacité parmi les plus éminents de leurs compatriotes, à l’époque de cette Révolution immortelle où la France, magna virum, semblait prodiguer sa plus riche sève ; mais arrivés en Haïti avec les instructions avouées ou déguisées d’affaiblir les pouvoirs de Toussaint-Louverture, par un contrôle méticuleux et des manœuvres habiles, ils furent complètement annulés. Au lieu de les enrayer, ils furent obligés de servir d’instruments aux desseins de ce Noir sur le front de qui brillait la vraie auréole du génie !

Quelques-uns, débarqués à Saint-Domingue avec des idées positivement hostiles contre lui, partirent de ]’île fascinés et transformés en admirateurs enthousiastes de ses qualités. Tout lui réussissait, parce qu’en tout il montrait une intelligence supérieure, une entente extraordinaire des hommes et des choses, faculté qui est le secret du succès dans toutes les grandes affaires. Il grandit à ce point que, tout en restant Français, il était arrivé ne plus rencontrer sur ses pas, à Saint-Domingue, un seul Français, noir, jaune ou blanc, capable de faire équilibre à sa haute et puissante personnalité. Son plus beau triomphe moral est la retraite du général Laveaux, gouverneur de l’île, qui, se sentant tellement et si naturellement annulé, lui céda le commandement en chef de la colonie et se retira en France, trop heureux d’avoir toujours pu compter sur son amitié et son appui !

Étonnante histoire, vraiment, que celle de ce Noir sorti de l’esclavage avec toute l’étoffe d’un grand homme d’État ! « La nature avait fait de cet homme, dit Wendell Phillips, un Metternich, un diplomate consommé. »