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rait-on pas que les conjectures scientifiques et l’histoire positive aient fait fausse route, en attribuant aux ancêtres des peuples civilisés un tempérament si sauvage ? Il a fallu de bien longues années avant qu’on en soit venu à proclamer tout haut la vérité toute nue. Bien des résistances, bien des dénégations accueillirent les premières affirmations des savants indépendants et consciencieux ; mais ils n’en furent pas influencés. Plus les incrédules s’obstinaient dans leur doute, plus la science mettait de persévérance à s’éclairer. On procéda si bien que la vérité se manifesta aux esprits les plus rebelles. Toute une suite de travaux et de patientes recherches établissent aujourd’hui, d’une façon indiscutable, le fait de l’anthropophagie généralement pratiquée dans toutes les populations de l’Europe, au commencement et dans le cours de leur évolution sociale.

« L’anthropophagie, a existé à l’état d’institution chez presque tous les peuples, dit le Dr Saffray : dans l’Inde, dans l’Afrique, l’Australie, les deux Amériques, la Polynésie. Les anciens historiens la dénoncent chez les Scythes, les Scandinaves, les Germains, les Celtes, les Bretons. Au temps de César, les Vascons mangeaient encore de la chair humaine. Nos ancêtres n’ont pas échappé à cette coutume déplorable, car dans plusieurs stations de l’époque du renne, notamment à Saint-Marc, près d’Aix, on découvre des restes d’ossements humains entaillés et fendus comme ceux des animaux, pour en manger la moelle. On a même retrouvé l’ustensile spécial destiné à extraire ce mets favori : c’est une longue et étroite cuiller en bois de renne, très bien adaptée à sa destination. Les fouilles pratiquées en Écosse, en Belgique, en Italie, ne laissent aucun doute sur les habitudes anthropophages des hommes de l’âge de la pierre[1]. »

  1. Saffray, Histoire de l’homme, Paris, 1881, p. 111.